La fête du Nouveau

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Ophélie sortit de son lit sans un bruit, le matin se levait à peine et Hector était encore endormi. Elle glissa de gros collant gris en laine usée et un pull beaucoup trop grand assortit. Son écharpe autour du cou elle sortit de la chambre. La maison était encore silencieuse, personne n'était levé, mais Ophélie avait du mal à dormir. Elle avait traversé de nombreux miroirs avant d'enfin réussir à s'assoupir, mais son repos avait été de courte durée. Son ventre la torturais, depuis la fin de la déchirure, depuis son départ de Babel, depuis sa disparition, elle ne mangeait plus, ne dormait plus non plus. Dès qu'elle fermait les yeux, toujours le même cauchemar, en boucle, elle descend quelques marches peut-être cinq ou six, pas plus, car l'obscurité l'en empêche, elle se trouve ensuite face à un long couloir, cela lui rappelait les grands couloirs des domestiques à Clairedelune, ces couloirs avec une multitude de porte qui mène n'importe où, mais ici pas de portes, uniquement des miroirs, et chaque miroir est numéroté, de grands numéros noirs gravés sur des plaques dorés. Mais elle n'arrivait jamais à passer par un de ces miroirs, cela la réveillais en sursaut, en colère, toujours et encore incapable de le retrouver.

Le plancher grinça à quelques mètres derrière elle, surement Andouille qui l'avait entendu se lever et venait réclamer quelques caresses ou croquettes. Une fois dans la cuisine, Ophélie se fit chauffer une grande théière. Elle s'installa près de la cheminée, but son thé en silence. En apparence elle était calme, mais dans sa tête tout fusait à vive allure. Victoire savait où il était. Elle attendait cette visite avec impatience.

Le jour se leva, et avec lui toute la famille. La maison se mit en mouvement, et l'agitation gagna tout le monde. La fête du Nouveau était enfin arrivée !

Ophélie était déjà au port en train d'attendre le bateau en provenance du Pôle. Avec ce nouveau monde tout rond, des bateaux capables de traverser des lacs immenses avaient rapidement été créées, et tout le monde souhaitait le prendre. Les dirigeables n'avaient plus la côte et étaient passés de mode. La famille d'Ophélie arriva en même temps que cet immense bateau. Au bout d'un moment, ceux tant attendu descendit du bateau par une longue rampe mise en place : Tante Roseline qui disparut en quelques secondes dans les bras de sa famille, Bérénilde portant sur sa hanche Victoire, en gardant une certaine prestance, mais Ophélie voyait bien au fond que Bérénilde était ravie d'arriver sur Anima et d'être accueille par la famille d'Ophélie. Bérénilde n'avait plus de famille, Farouk ne se souvenait plus vraiment d'elles, et lui qui n'était plus là... Derrière un groupe de femmes, Ophélie aperçut une silhouette familière. Le sourire lui monta jusqu'aux oreilles. Archibald était là. Il paraissait vraiment fatigué, et mal en point, mais il ne se gênait pas pour faire des clins d'oeils aux passagères qui descendaient devant lui. Tante Roseline quant à elle, le dévisageait en lui jetant un regard noir de jalousie. Archibald se mit à rire aux éclats et se tourna vers Ophélie :

- Je vous l'ai déjà dit, si vous ne venez pas au Pôle, le Pôle viendra à vous !

Ophélie était contente de les revoir, sa famille d'Anima et du Pôle était au complet. Enfin presque, Gaelle et Renard n'étaient plus,  et puis lui... Mais voir Archibald lui remonta le moral, et le fait de savoir qu'il serait jaloux s'il savait qu'il était là, mit du baume au coeur d'Ophélie tout en lui pinçant. Tout le monde s'embrassa, et enfin le cortège descendit jusqu'à la place du village, là où était préparé de grandes tablées, avec des mets de toutes les anciennes arches. Les Grandes Soeurs, avaient organisé cette fête, Ophélie gardait un oeil méfiant sur elles, pour elle il ne s'agissait que de nouvelles Doyennes.

Le repas durait depuis plusieurs heures, tout Anima était présent, et plus encore, c'était vraiment la fête où être. Parler de lui avec Archibald, même s'ils ne s'appréciaient pas, redonna du courage à Ophélie. Ce manque de sommeil, cette perte de poids, l'avait rendu faible et l'espoir s'estompait, cette visite lui remit les idées en place. Ophélie s'éclipsa un instant et se dirigea vers Victoire qui jouait avec son lapin en peluche  un peu à l'écart de se brouhaha, mais toujours sous le regard bienveillant de Bérénilde. Victoire ne parlait pas, aucun mot ne sortait de sa bouche, jamais. Ophélie lui montra le dessin, celui que le grand-oncle lui avait remis quelques jours auparavant. Victoire, le reconnu, montra du doigt la silhouette pleine de ronces dans le rectangle. Elle paraissait à la fois inquiète et en même temps enjouée, et Ophélie n'arrivait pas à comprendre pourquoi ce dessin. Est-est-ce vraiment lui ? ou juste un gribouillage d'enfant ? Au fond d'elle, elle savais clairement que c'était lui, mais pourquoi ? Victoire, entre deux babillages, et câlins à son lapin en peluche, lui montra son collier. Ophélie, le reconnu en une fraction de seconde, et Victoire n'hésita pas une seconde à lui offrir. Cet objet, Ophélie l'avait garder si longtemps avant de le lui rendre. Comment sa nièce avait-elle pu le récupérer ? A cet instant, Ophélie regretta comme jamais ses doigts de liseuse, lorsqu'elle en avait la possibilité, elle n'avais jamais voulu lire cet objet, même avec l'autorisation de son propriétaire, Aujourd'hui, elle aurait tellement aimé avoir son pouvoir de liseuse, pourvoir le lire, juste pouvoir ressentir un petit peu de lui, est-ce qu'il l'aimait comme elle l'aimait ? Est-ce qu'il lâcherait de nouveau son bras pour la protéger ? la protéger de quoi ? tout ce à quoi elle aspire aujourd'hui c'est le retrouver. Elle aurait préférer rester coincée dans l'Envers avec lui.

Archibald arriva doucement derrière elle, et vit cette montre à gousset. Cette montre qu'il avait toujours garder sur lui, aussi loin qui s'en souvienne, seul Ophélie avait eu le droit de lui prendre. Et elle l'avait détraquée, ce qui ne l'avais pas fâché, lui. Ophélie se sentait bien mieux maintenant, elle avait sa montre à gousset, et Archibald était à ses cotés pour l'aider.

- Victoire est tombée très malade lorsque j'étais avec Dieu sur Arc en Terre, expliqua Archibald. Bérénilde m'a raconté qu'elle restait inerte dans son couffin, sans boire, ni manger, et cela durant plusieurs jours. Farouk n'a rien réussi à faire... Un jour, d'un coup, elle est revenue à elle, personne n'a aucune explications à ça, depuis elle gardait la montre à gousset en collier. Elle a du l'a trouver quelque part dans la résidence du Pôle. Elle n'a jamais voulu s'en séparer... avant aujourd'hui.

Ophélie écarquilla des yeux, regarda Archibald et lui dit tout bas, plus à elle même qu'à lui :

- Il avait cette montre à gousset sur lui quand il est passé dans l'Envers...

Les retrouvailles du MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant