La visite

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Dehors, l'air était frais, l'hiver commençait à arriver. L'hiver était la pire des saisons, il faisait froid, il neigeait, ça rappelait le Pôle. Ophélie cacha son nez dans l'écharpe qui s'était bien enroulée autour de son cou. Sa présence la rassurait. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Ophélie avait l'impression que seule son écharpe l'a comprenait vraiment. Depuis son retour de Babel, elle avait du apprendre à vivre sans ses doigts et l'écharpe remplace désormais parfaitement ses mains, elle ne sort plus sans elle, sauf la nuit lorsqu'elle traverse les miroirs encore et encore sans pouvoir s'arrêter. Elle ne quitte jamais non plus ses gants de liseuse même si elle ne peux plus lire. Elle ne supporte pas de voir ses mains, où se qu'il en reste, cette absence de doigt, c'est à cause de ça qu'elle n'avait pas pu s'agripper à lui. Qu'elle était incapable de le retenir.

Ophélie remonta ses lunette sur son nez et prit la direction de son musée, elle l'avait rouvert à la demande de la ville, ou plutôt à la demande de sa mère, mais elle n'avait aucun plaisir a y travailler. A quoi bon tenir un musée si elle ne pouvait plus lire ? C'était ridicule. Sa famille pensais que ça lui changerais les idées, qu'elle arrêterait de toujours penser aux miroirs et à lui. Elle ouvrit la porte, comme à chaque fois, elle eu un pincement au coeur. Son musée n'en était plus vraiment un depuis que les maitres censeurs étaient passés par là. Ses collections qui dataient d'avant la déchirure n'y était plus, il ne restait que des pièces récentes, sans aucuns intérêts, des pièce que de toutes façons elle n'avait pas pu lire. Les maitres censeurs n'existaient plus depuis un moment, mais ils avaient tout détruit, machines à coudre, moteurs à explosion, presses à cylindre, métronomes, tout... Impossible désormais de mettre la main sur des pièces dignes de ce nom, des pièces de l'ancien monde, comme elle en avait avant son départ pour le Pôle.

Elle s'installât à son bureau, un grand bureau en bois laqué, beaucoup trop grand pour elle, elle paraissait tellement minuscule sur son fauteuil. Elle était seule dans cette grande pièce remplie de différents casiers à tiroirs, de grandes bibliothèques et étagères recouvraient presque tous les murs. Le silence pesait, sa solitude aussi. Elle posa sa tête sur le bureau, fatiguée, fatiguée de ne pas le retrouver, fatiguée de passer ses nuits de miroirs en miroirs, fatiguée d'être seule. Il y avait une tache d'encre sur le bureau, une énorme tache d'encre noire qui n'était pas là la veille, ça elle en était sure. Une larme glissa le long de sa joue, elle se trouvait ridicule, pleurer pour une tache d'encre sur un bureau...

La clochette de la porte d'entrée l'arracha rapidement de ses pensées dans un grand sursaut, et elle senti ses griffes de Dragon prête à bondir. Elle avait réussi à dompter le pouvoir qu'elle avait reçu le jour de son mariage, mais ça restait comme un reflex, ses griffes sortaient et se tenaient prête à attaquer. Son coeur battait vite, il y avait rarement de la visite dans ce musée qui n'en était plus vraiment un et qui n'intéressait plus personne, mais quelques visiteurs venaient quand même, et parfois, son grand-oncle ou sa mère, ou ses frères et soeurs, ou ses cousins... mais alors pourquoi avait-elle d'un coup aussi peur. Sa peur ne venait pas du bruit de la clochette, elle sentait une présence dans la pièce, quelqu'un la regardait, ses griffes grandissaient à l'intérieur d'Ophélie et cherchaient d'où pouvait provenir ce danger. Elle savait que quelqu'un ou quelque chose était là, en train de l'épier. En un instant, la peur se changea en colère, ses griffes grandissaient, Ophélie en avait marre, marre d'être fatiguée, marre de ne pas le retrouver, marre de passer ses nuits de miroirs en miroirs, marre de cette présence dans la pièce.

Tout se dissipa en un éclair, la peur, la colère, la présence, les griffes. La porte s'ouvrit et Ophélie reconnu son grand-oncle, il avait un sourire au coin des lèvres :

- Fille, j'ai quelque chose à te montrer.

- D'accord, mais sortons d'ici. Demanda Ophélie en se relevant rapidement. Elle ne voulait plus rester une minute de plus dans cette pièce, il y avait quelque chose ici et elle le sentait. La visite de son grand oncle lui remit les idées en place, elle devait sortir de là.

Arrivés dehors, ils s'installèrent sur un banc à l'écart. Les rayons du soleil réchauffant leurs corps, les arbres avaient perdus toutes leurs feuilles, il ne restait que des branches. En silence, et toujours avec son petit sourire le grand-oncle lui glissa un papier dans les mains. L'écharpe entreprit de déplier la feuille et l'a montra à Ophélie. Il s'agissait d'un dessin, d'un dessin d'enfant, représentant une silhouette dans un long rectangle, la silhouette était entouré de rond noir encore en encore, quelqu'un s'était tellement acharné sur ses gribouillis, que ça en avait transpercé la feuille. Ophélie leva un regard interrogatif sur son oncle.

- Nous avons reçu un courrier de la tante Roseline, elle va venir sur Amina pour la fête du Nouveau. Dans l'enveloppe elle a glissé ce dessin pour toi, j'ai hésité avant de te le donner, gamine, j'ai vraiment hésité... Je ne sais pas si ce bout de papier te fera plus de bien que de mal, mais tu es grande maintenant, a toi d'en faire un bon usage.

Sur ces mots, le grand-oncle se leva en tenant ses genoux, il avait toujours son petit sourire en coin, un sourire complice mais aussi mélancolique et Ophélie savait pourquoi. Elle savait que la silhouette dessinée c'était lui, il n'y avait aucun doute à cela. Et vu la quantité d'épines noires raturées autour de lui, Ophélie comprit tout de suite qu'il avait sortit ses griffes. Il était là, quelque part, et quelqu'un d'autre savait où. L'écharpe tira d'un petit coup sec sur l'épaule et lui montra le bas du dessin. il y avait des lettres tremblotantes, le dessin était signé par une petite main hésitante, c'est pourtant évident : VIϽTOIRƎ

Les retrouvailles du MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant