La traversée 3

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Ophélie était déjà sur le pont. Elle avait rapidement avalé son petit déjeuner sous les yeux méfiants sa tante Roseline. Elle n'avait pas faim et son estomac était noué comme à son habitude, mais elle ne voulait pas inquiéter sa tante. Elle était resté silencieuse et ne pensait qu'à sa montre et un peu à Axil. Dehors, le vent était toujours glacé et cinglant ; plus ils se rapprochaient du Pôle plus la température descendait, encore et encore. Son écharpe se serra plus fort contre son cou essayant de garder le moindre petit bout de chaleur qui lui restait. Ophélie ne faisait pas attention à la météo, son attention était concentrée sur Axil, elle l'a cherchait des yeux parmi les passagers mais ne l'a trouvait pas. Elle marchait rapidement à pas déterminés, le visage fermé, elle commençait à bouillir de l'intérieur. Plusieurs personne l'a bousculèrent mais elle n'y prêta pas attention, ses griffes par contre ondulaient dangereusement. Son écharpe vit ces ronces noires et invisibles se tordre et fouetter l'air, comme si elles se débattaient, cherchant à se libérer. Voyant que Ophélie ne se calmerait pas seule elle commença à onduler tendrement sur ses épaules et sa nuques, espérant soulager un peu de colère en Ophélie. En un instant ces ombres menaçantes se calmèrent, l'écharpe était fière d'avoir réussi à les calmer si facilement et se reposa de soulagement sur le nuque d'Ophélie.

Ophélie se stoppa net. Elle restait bloqué, Axil était là, en face d'elle, à quelques dizaines de mètres, et s'approchait en lui faisant de grands signes. Elle était habillée toujours de la même manière, et avait fait une longue tresse de ses cheveux flamboyant. Son visage emmitouflé dans sa grande capuche on se voyait que sa tresse dépasser et son grand sourire qu'elle tentait de camoufler. Elle s'assit sur un banc et, tout en fouillant d'une main dans sa besace en cuir, de l'autre fit signe à Ophélie de s'assoir près d'elle. Ophélie ne savait pas comment réagir, elle était en colère et méfiante, mais le sourire sincère et le signe amical de Axil lui donnait envie de lui faire confiance.

- avant toute chose, je tiens à te rendre ta montre. A ces mots, elle sortit la main de son sac et lui tendit.

Ophélie resta silencieuse, elle pris sa montre et la serra de son gant vide contre son coeur. Elle resta ainsi pendant quelques minutes. A cet instant plus rien d'autre ne comptait, juste elle et sa montre, juste elle et lui. Elle ouvrit les yeux quand elle entendit un cliquetis, quelque chose de familier mais qu'elle n'avait pas entendu depuis longtemps, sa montre fonctionnait de nouveau. Elle n'était pas à l'heure, les aiguilles bougeaient à peine, une fois dans un sens, une fois dans l'autre, mais elle pouvait entendre un léger tic tac irrégulier. Axil qui était assise à coté l'a regardait perplexe, mais respectait le silence d'Ophélie. Au bout de plusieurs minutes, Ophélie s'éclaircit la gorge dans un raclement maladroit.

- merci. souffla t-elle. Je tiens beaucoup à cette montre.

Ophélie bougea ses jambes engourdit par le froid, elle avait sa jambe raide et se massa la cuisse. D'un coup, une image lui vint en tête : elle. Elle qui avait mal à la jambe, elle qui ne mangeait plus, elle qui ne parlait plus, elle qui n'avait plus confiance qu'en sa tante, elle qui sentait ses griffes toujours à l'affut. Elle était devenue lui. Elle éclata de rire, un vrai rire, un fou rire incontrôlable. Elle essuya une larme qui coulait le long de sa joue, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas autant ri.

- merci Axil. répéta t'elle un sourire aux lèvres. Je m'appelle Ophélie. Je voulait te demander, comment as-tu fait pour me retrouver dans cet endroit cette nuit ?

- c'est un don familial, même si peu de ma famille y arrive. Je peut me réveiller tout en étant endormi, ensuite je peut passer de rêves en rêves.

- tu peux le faire avec les rêves de n'importe qui ?

- pratiquement oui, mais il faut que la personne ne soit pas trop loin de moi, qu'elle ne soit pas fermée à ma visite. Après pour trouver le bon rêve, soit je doit connaitre parfaitement la personne, soit le plus simple tenir un objet lui appartenant, cet objet va me guider. Cette nuit, je ne voulait pas trop de déranger, et les rêves c'est quand même quelque chose de très intime, une intrusion comme ça peut être très mal pris. Mais ta montre m'a plus que guidé, elle était déterminé à m'amener vers toi.

- mais cette montre ne m'appartient pas.

- la montre m'a guidé vers son propriétaire. Et elle m'a guidé vers toi. Je ne connais pas ton histoire, mais soit la personne à qui tu penses qu'elle appartient ne l'a veux plus, soit cette personne n'est plus là.

Le coeur d'Ophélie se serra d'un coup, elle serra les dents, se concentrant sur sa montre pour ne pas flancher.

- je suis désolée, balbutia Axil, je ne pensais pas... j'ai parlé trop vite...

- c'est pas grave, tu ne pouvait pas savoir. Mais sache que la personne à qui elle appartient est toujours là, et tiens à cette montre à gousset.

Axil baissa les yeux, elle ne savait plus quoi répondre.

- je suis à sa recherche, continua Ophélie, je suis à la recherche de mon mari.

- il est au Pôle ? lança timidement Axil

- je ne pense pas, mais là bas il y aura peut-être des gens pour m'aider. Et toi ? Pourquoi vas-tu au Pôle ?

- je viens de Totem, j'ai décider de découvrir mon arche natale, même si je n'y est jamais mis les pieds. Je veux découvrir ma famille, apparement le Pôle est maintenant plus accueillant, alors j'ai fait comme tous ces touristes.

Ophélie leva les yeux, en effet, ce voyage était beaucoup plus peuplée que lors de sa première traversée en dirigeable. 

- au fait, je te présente Pandore, mon furet.

Une petite boule de poils blanche sortit rapidement le nez de sa capuche, une bourrasque de vent siffla, et la boule disparu aussi vite.


Les retrouvailles du MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant