Infernal Love - T1 - M/F/M

1 - Mave

Malgré l'heure tardive et la climatisation, la chaleur est toujours aussi oppressante ici, mon costume trois pièces pèse lourdement sur mes épaules.

La fatigue commence aussi doucement à grignoter mes défenses.

J'ignore à quand remonte ma dernière nuit complète mais à cet instant précis, je me fais l'effet d'un vieillard et non d'un homme dans la trentaine.

Un long soupir m'échappe, je pince l'arrêt de mon nez en espérant évacuer la pression qui s'accumule au milieu de mon front.

Je ferai mieux de rentrer me coucher et d'offrir à mon corps le repos qu'il réclame depuis plusieurs jours. A la place, je reste planté là comme un idiot.

Le dossier Livingston est clos, les dernières négociations se sont achevées aujourd'hui et ma présence ici ce soir n'est plus utile, pourtant, je n'ai aucune envie de prendre le chemin de la maison. Jed doit certainement déjà dormir et rentrer dans notre penthouse désert et silencieux ne me fait pas du tout envie.

Cela fait plus de trois semaines maintenant que je travaille comme un acharné sur le dossier Livingston, j'en suis quasiment venu à oublier ce que c'était d'avoir un peu de temps libre. S'entend : du temps libre qui n'implique ni heure tardive, ni responsabilité ni contrainte de temps.

Que faire à présent ?

Davis Holding se classe chaque semaine à la tête des sociétés les plus prospères de Rocktown.

Que je me pointe ou non chaque matin, ma boite fonctionne à trois cent pour cent de manière autonome, d'autant plus maintenant que nous pouvons compter la famille Livingston dans nos clients.

Il ne me reste plus qu'à récolter le fruit de ces trois dernières années de labeur et d'enfin en profiter. Jed ne cesse de me le répéter ces derniers temps.

Un verre, voilà ce dont j'ai besoin.

Je rejoins d'un pas las le bar qui occupe tout un pan de mur de mon bureau et me sers deux doigts de whisky. J'aurai préféré partager ce moment avec Jed mais depuis l'ouverture de sa salle de sport, trois mois plus tôt, il est tout aussi occupé et fatigué que moi.

Un petit rire m'échappe.

Bien que nous ne partagions pas le même sang, il est comme un frère à mes yeux et je connais ses habitudes aussi bien que les miennes ; il est minuit passé, il doit être étalé sur le ventre au milieu de son kingsize, le silencieux de son téléphone activé, roupillant comme un bien heureux.

Je l'envie presque.

Inconsciemment, j'ai retrouvé mon point d'observation, le front collé à la baie vitrée. Le froid du vitrage soulage momentanément mon mal de tête.

Face à moi, Rocktown s'étale de toute sa splendeur, rayonnante de mille feux.

La nuit a recouvert la ville depuis plusieurs heures sans même que je m'en rende compte et l'éclairage public m'éblouit.

Que faire ? Rentrer ? Débuter l'étude d'un nouveau dossier potentiel ? Retrouver mon Audi au sous-sol et rouler sans but ? Rejoindre Swen, ami et propriétaire du Toxic's, le bar qui fait l'angle de la rue de la Davis Holding, et lui tenir compagnie jusqu'à la fermeture ? Dénicher une petite nana avec qui finir la nuit ?

Je sais par avance que le sommeil me fuira dès l'instant où ma tête rencontrera mon coussin, alors à quoi bon ? Autant mettre à profit les longues heures qui se profilent.

Ces trois dernières semaines ont été difficiles pour tout le monde ici.

J'ai exigé de mes équipes bien plus que ce que la loi le permet. Évidemment, personne n'a bronché et les salaires et primes versés en début de semaine ont bien apaisé les plus récalcitrants.