3 - Jed

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Le bras en travers du visage, je serre les dents et décide de prendre sur moi cinq minutes de plus.

Une fois ce délai passé, si cet idiot de Mave persiste à retourner tout l'appartement au beau milieu de la nuit, je me lève pour l'encastrer dans un mur et lui réapprendre les bases du civismes.

Rien à faire.

Je l'ai entendu rentrer il y a plus d'une heure, jurant et soufflant comme un bœuf, ce qui m'a tiré d'un agréable rêve dans lequel de longues jambes sveltes et pâles avaient le premier rôle.

Je lui ai d'abord accordé le bénéfice du doute mais à présent, c'est certain : ce branleur a oublié qu'il n'était pas seul au monde dans ce foutu appartement.

Éreinté, soufflant à mon tour, je me redresse au milieu de mon lit et me dégage des couvertures.

Il l'aura cherché !

Mes yeux ont le temps de s'habituer à la pénombre environnante quand j'arrive au salon.

Étrange, il n'a allumé aucune lumière...

Mave se frotte le visage des deux mains, les épaules voûtées. Visiblement trop fatigué pour lever les pieds, il trottine autour de la table basse. Ses talons claquent bruyamment au sol et à lui tout seul, il fait autant de bruit qu'une fanfare de secondaire. Les poils de mes bras se hérissent sous l'effet de la colère.

Avant de me lancer dans la bataille, je prends le temps de me souvenir qu'il est mon frère et que je l'aime très, très, très fort et que je serais très, très, très malheureux de le voir disparaître de la surface de la terre.

Je me dirige silencieusement vers lui en claquant deux fois des mains. Immédiatement, les plafonniers s'actionnent et une douce lumière se déverse dans la pièce. Cela a le mérité de sortir Mave de sa transe car il sursaute et effectue un demi-tour sur lui-même pour me faire face.

- Jed, s'écrit-il, le visage défait avant de cligner des yeux en comprenant le problème : je t'ai réveillé. Bordel, désolé...

Je ne réponds pas immédiatement. J'encre mon regard au sien, le dévisage sous toutes les coutures.

A cet instant précis, mon frère ressemble davantage à un cadavre qu'à l'humain que j'ai croisé hier matin au petit-déjeuner.

Quelque chose a foiré.

J'en oublie instantanément ma colère.

- Assieds-toi, je lui ordonne en balayant ses excuses d'un geste de la main, je ne veux pas l'accabler davantage. Je vais te chercher un truc à boire.

Il m'obéit sans broncher et se laisse choir au milieu des coussins d'un de nos deux canapés.

C'est à cet instant-là, ce moment hors du temps, que j'aperçois les tâches sombres qui marbrent sa chemise et son pantalon de costume. Du sang. Du sang séché recouvre le trois quarts de ses fringues.

J'avale difficilement ma salive mais refuse de céder à la panique.

Un rapide examen me confirme qu'il n'a pas l'air mal au point, ni blessé. En dehors des éclaboussures de sang, ses habits sont impeccables, rien ne laisse présager une éventuelle blessure.

Ce sang n'est pas le sien.

Je relâche brutalement ma respiration quand l'information remonte jusqu'à mon cerveau.

Il va bien.

Soulagé, je lui tourne le dos le temps de récupérer ce qu'il me faut dans notre mini-bar. La raison me souffle de lui servir un grand verre d'eau mais à son air abattu, je me décide pour toute la bouteille de whisky et des glaçons.

Infernal Love - T1 - M/F/MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant