1| Determinate. POV Flora

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Flora.

Est-ce que nous savons chanter ? Elle, oui. Moi, pas vraiment. D'ailleurs, cela s'entend au micro. Mais est-ce que nous aimons la musique de tout notre cœur ? Oui, cela se voit sur nos visages.

(Musique: Determinate de Lemonade Mouth)

Gotta turn the world into your dance floor

Determinate

Determinate

Push until you can't and then demand more

"Plus fort, Flora !" me crie Gabriella en faisant de grands gestes avec ses mains pour que je comprenne qu'il faut pousser le volume. J'obéis de ce pas. C'est la première fois que je fais un karaoké, et je me demande pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt. Une nouvelle passion vient d'être débloquée chez moi.

J'aime bien le refrain. Cela me rappelle cette citation de Confucius, philosophe chinois, qui disait ceci : "On a deux vies. La deuxième commence quand on réalise qu'on n'en a qu'une."

Cette petite ville va nous manquer, à moi et Gabriella. Surtout nos sorties à vélo au bord du lac. Il était temps qu'on parte plus loin, pour voir plus grand.

J'ai rencontré cette fille dans ma dernière année de lycée, une période où je ne savais pas ce qu'allait devenir ma vie. Or, c'est là qu'on vous demande quel métier vous voulez faire. Une chose est sûre, c'est que je ne veux pas rejoindre papa dans son entreprise de finance. Certains sont bâtis pour cela et d'autres non. Flora m'a regardée droit dans les yeux et m'a dit : « je veux devenir chanteuse et travailler dans l'art. Donc, je vais me lancer dans une licence d'Art. Et toi, tu écris, tu es une artiste dans l'âme, tu devrais venir. » Après cette conversation, tout était devenu clair dans ma tête. Il restait plus qu'à convaincre maman et papa. Ma mère l'a bien pris, elle m'encourage toujours à poursuivre ce qui me passionne. Quant à mon père, baaah... qu'il reste là où il est. C'est-à-dire à distance.

Si on m'avait dit que je serais capable de chanter dans un bar devant une vingtaine de personnes sans être paralysée par l'anxiété sociale il y a un an, j'aurais dit non. C'est souvent ça les années collège/lycée. On vous écrabouille jusqu'à ce que vous disiez stop. Les rencontres aussi, cela nous change.

Demain, on prend la route en direction de Boston pour de nouvelles aventures. Du coup, on quitte le karaoké assez tôt pour rentrer chez nous. Gab habite en face de chez moi, et maintenant, on va être colocataires dans notre nouvel appartement. C'est fou ! Karaoké ou pas, cette petite folle continue à danser dans la rue devant moi avec ses cheveux bouclés contrastant avec les miens, tout noirs et lisses. Je me sens comme un chat noir des fois, à force d'intimider les gens sans le vouloir. L'univers m'a envoyé mon opposé pour me donner un coup de pied et faire basculer mon monde. Et franchement, je dis oui !

22h22

À quelques heures de notre départ pour la fac, le sommeil se fait désirer. Noyée dans mes pensées, je prends mon carnet contenant mes poésies et décide d'écrire cette chanson d'Elie Goulding qui me trotte dans la tête.

« We, we don't have to worry bout nothing

Cause we got the fire, and we're burning one

Hell of something

They, the gonna see us from outer space, outer space

Light it up, like we're stars of the humain

Race, humain race... »

— Tu ne dors toujours pas, Flora ? chuchote Elisabeth, ma mère, voyant de la lumière venant de ma chambre.

— Non, mais je ne vais pas tarder... J'écris juste un p'tit truc et hop, au dodo

— C'est un tout nouveau chapitre pour toi, je te comprends. Tu ne m'as toujours pas dit ce que signifie pour toi cette rose en feu, dit-elle en fixant mon tatouage.

— Ce tatouage, hormis la beauté, c'est aussi un ressenti...

— J'ai très envie que tu me partages ce ressenti..., répond-t-elle avec un sourire tellement grand que même ses yeux brillants y participent.

— Ellie Goulding le décrit très bien... Tu sais... Ce feu qui porte, qui nous permet d'illuminer les autres. Ce feu qui est toujours là malgré ceux qui ont essayé de l'éteindre. C'est exactement ce feu qui embrase cette rose sur ma poitrine.

Ma mère me regarde une dernière fois puis chuchote :

— Bonne nuit, ma grande.

— Bonne nuit, maman.


Le lendemain, 7h.

Cette année, j'avoue être en plein reset. Je me suis mise en route avec plein de rêves dans la tête, mais aussi des doutes. Le plus important est que mes passions, qui me servent de moteurs, sont toujours là. J'ai coupé les ponts avec mon passé et me suis plongée dans mon « healing girl era ». Je sens que je suis à l'aube de quelque chose. On dit que certains événements se présentent à nous parce qu'on est prêt, alors...

— Évidemment que tu l'es ! Nous sommes prêtes ! affirme Gabriella à ma droite, côté passager. Elle ne veut jamais conduire cette paresseuse. Je plaisante, personne ne parle mal de mon acolyte. Nos balades en vélo de cet été me manquent déjà. La meuf nostalgique...

— Je sais qu'on l'est. Je n'en doute pas.

— En plus, là, on a glow up, cette année va être diiiingue !

— Ouiii. D'ailleurs, j'ai ramené nos livres, histoire qu'on les termine... Quand il s'agit des livres de dark romance, elle est à fond, mais dès qu'il s'agit de nos livres de développement personnel, là, il n'y a plus personne. Aaah cette meuf, c'est parce que je l'aime bien, sinon...

— On n'en a plus besoin, Flora. Il est temps qu'on vive. Je sais que tu as peur que ton passé te rattrape, te freine. Mais tu t'es battue pour garder ton âme d'enfant malgré tout ce qu'on sait, alors fais-moi confiance, la survie, c'est fini.

Je suis d'accord avec elle sur ce point. On a fait un pacte, qu'on n'acceptera aucune situation ni personne qui nous fera passer en mode survie. Attention, j'adore les challenges, les situations nouvelles qui nous forcent à grandir, à trouver des solutions. Mais par survie, j'entends qu'on a des standards maintenant. Merci papa pour les traumatismes.

— En parlant de fun, tu n'as pas oublié l'anniversaire de ma cousine demain soir. Tu me montreras ton outfit. Aaargh, j'ai hâte ! rétorque-t-elle toute excitée, on dirait un enfant, c'est pour cela que je l'aime.

— Déjà les soirées ? Gabriella, on n'a même pas encore commencé les cours...

— On va faire des rencontres, ça va être cool ! Et tu sais que tu n'as pas le choix, donc chut, ajoute-elle en posant son index sur ma bouche.

— Je conduis, Gab, proncé-je, malgré sa tentative de me réduire au silence.

— Allez, conduis, je gère la musique ! Regarde devant toi.

Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve mais je ressens cet appel au fond de moi à réaliser quelque chose qui me dépasse. Alors oui, regarder devant moi, c'est ce que je compte faire. Moi et ma caméra. Moi et mes mots. Moi et mes rêves. Moi et tout le reste à venir.

APORÉTIQUE (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant