Un mois est passé et Elias n'a toujours pas retrouvé son père. Il est devenu ami avec deux autres enfants, des jumeaux très sympathiques qui sont aussi originaires de Cracovie. Tous les trois sont inséparables. Ils se partagent leur nourriture et se collent la nuit pour se tenir chaud. Un matin, avant qu'ils ne rencontrent Elias, deux SS ont débarqué dans leur baraquement ; leur mère les a alors fait sortir par l'arrière. Elle leur a dit qu'il fallait qu'ils courent le plus loin et le plus vite possible pour qu'ils puissent rejoindre l'équipe de foot du camp, et qu'elle les rejoindrai demain. Karol et Bogdan ont alors courus de toutes leurs forces pendant une dizaine de minutes à travers le camp. Ils ont croisé Elias qui hurlait le nom de son père. Confus et épuisés, ils se sont arrêtés. Les trois garçons ne se sont dès lors plus jamais quittés.
Le cœur de David se sert un peu plus chaque seconde qui passe et la boule qui s'est logée dans sa gorge ne semble plus vouloir partir. Il veut son fils et tout de suite. Il veut pouvoir le serrer dans ses bras, sentir son petit cœur battre contre sa poitrine et lui dire qu'il est là, avec lui, qu'il ne l'a pas abandonné, qu'il n'est pas seul.
David a été affecté aux Sonderkommando. Comment les qualifier ? Inhumains ? Non, rien que le fait d'avoir construit Auschwitz est inhumain. L'enfer sur terre ? Disons que ça se rapproche déjà plus. En fait, aucun mot présent dans le dictionnaire ni aucun mot pouvant être inventé ne pourrait qualifier les Sonderkommando.
Lors de sa première journée, David a vomi environ cinq fois. Il a perdu quatre kilos en 1 mois à cette allure. A chaque fois qu'il ouvre la chambre à gaz, plusieurs minutes après que tous les cris aient cessé, il se met à la recherche d'Elias, dans le tas de cadavres, tandis que l'odeur pestilentielle s'empare de son nez. Il ne sait pas très bien s'il aimerait l'y trouver. Cette « vie » va peut-être durer indéfiniment alors ne serait-ce-t-il pas mieux qu'il meurt plutôt qu'il ne souffre ?
Jeanne hurle de toutes ses forces, mais personne n'y prête attention. Ses vêtements lui ont été retiré et son corps nu est à ce moment même entre les mains sales d'un SS en manque. Il attire son corps frêle contre lui et commence à...
Vous m'excuserez mais pour m'éviter un haut le cœur je ne vais pas continuer à regarder ça. Après cet épisode, Jeanne se sent souillée au plus haut point. Chaque millimètre de son corps la dégoûte. Elle n'ose plus regarder personne dans les yeux.
« - On est plus considéré comme des humains ici, pense à voix haute Rachel en mâchant un quignon de pain trouvé par terre, on est des animaux. C'est ça ! On est des animaux... Tu savais qu'ils faisaient creuser leur tombe aux prisonniers pour ensuite les mettre en rang et leur tirer dessus avant de mettre en place les chambres à gaz ?
- Non, balbutie Jeanne, les yeux clos, la tête en arrière.
Depuis quelques semaines ses paroles sont monosyllabiques. Comme si même parler l'épuisait.
- Pourquoi tu es comme ça ? demande Rachel
Elle est à Auschwitz ma vieille, voilà pourquoi elle est comme ça.
- Tu ne te souviens pas de la promesse qu'on s'est faite ? renchérit-elle
Silence radio.
- On s'était juré de toujours être là l'une pour l'autre. Mais là j'ai l'impression que tu as...
Les mots sont bloqués et ont formé une boule à l'intérieur de sa gorge.
- ...perdu espoir, dit-elle dans un souffle
Jeanne ne répond pas. Elle s'est endormie. Rachel pousse un long soupir et de grosses larmes roulent sur ses joues creuses.
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Auschwitz Birkenau, berceau de tous les fardeaux
Short Story3 humains 1 homme 1 femme 1 enfant 3 prisonniers d'Auschwitz Birkenau