Rencontre

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Je fermai la porte en soupirant de soulagement.

« Enfin seule... », avais-je pensé.

Un petit sourire se dessinait sur mon visage alors que la brise légère du vent faisait virevolter mes cheveux.
J'enfonçai les clés dans la serrure et verrouillai celle-ci, avant de gambader joyeusement dans le jardin.

Un frisson désagréable parcourut néanmoins mon dos, et je compris la raison de celui-ci en me retournant : ma mère me scrutait depuis la fenêtre.
Remarquant que j'avais senti sa présence, elle me fit un coucou hypocrite de la main en paniquant. Je lui répondis par de même avant de me retourner, et de continuer mon chemin.

« Mieux vaut que je m'éloigne d'ici, si je veux un peu d'intimité », m'étais-je dit de façon désespérée.

Je dépassais le portail de notre jardin, tournais à droite du rond point et continuais vers la route. En cette période de l'année, il n'y avait pratiquement personne, alors je marchais sur la voie des voitures comme bon me semblait. À l'extérieur de ma maison, loin des propriétaires de celle-ci, je me sentais mieux. Je voyais un peu ma maison comme un monde à part, une forme de tanière de monstres, je cherchais donc à l'éviter un maximum...

Tandis que je me promenais, j'étais absorbée par mes pensées. Je me demandais à quoi ressemblerait le bonheur, s'il existait. Nombreuses personnes se disaient être heureuses, mais la souffrance infinie dans leurs yeux témoignait du contraire...

Je sautai pour enjamber le ruisseau qui se trouvait sur le trottoir - ou plutôt, sur l'herbe à côté de la route - et je regardai le ciel tandis que mes yeux scintillaient d'une étrange lueur.

J'avais toujours gardé espoir quant au bonheur. Je m'étais toujours dit qu'un jour je connaîtrai le vrai sens de ce mot. Je m'étais éloignée des personnes qui me portaient préjudice, et aujourd'hui il ne me restait pas grand monde.
Bien que je n'avais évidemment pas pu m'éloigner de ma famille, je savais qu'une fois majeure j'aurai définitivement coupé les ponts avec eux. Ils pompaient bien trop mon énergie, mais je savais que cela n'allait heureusement pas être éternel.

Je décidai de retourner vers un lieu dans lequel je n'étais plus allée depuis de nombreuses années, et changeai de direction, me tournant vers une forêt.
Il s'agissait d'une décision sur un coup de tête, je ne savais même pas vraiment pourquoi j'allais là-bas. C'était comme si c'était écrit, comme s'il s'agissait de ma destinée.

Suivant mon intuition, je longeai les chênes, je m'enfonçai dans la forêt.

J'aperçus au loin le grand rocher, qui était illuminé par un rayon de soleil, alors que la forêt était dans l'ombre. C'était à croire qu'il absorbait à lui seul toute la lumière du soleil, afin de communiquer à sa façon...
Le paysage semblait si onirique, que lorsque que j'étais plus petite, je m'installais dessus en fermant les yeux et m'autorisais à rêver.

Une silhouette était assise sur celui-ci, je ne distinguais pas encore suffisamment celle-ci pour savoir s'il s'agissait d'une femme ou d'un homme.
En m'approchant je reconnus de longs cheveux bruns, et la silhouette me semblait de plus en plus familière.
Accélérant le pas, j'arrivais au pied du rocher, et longeais celui-ci pour me trouver en face de la jeune femme.
Plongeant mes yeux dans ses yeux bruns, je me sentais absorbée par ceux-là. Sans dire un mot, nous nous étions comme connectées.

Soudain, je sortis de cet état de transe, et reconnus la jeune femme. Il s'agissait d'une amie que j'avais connu il y a environ une dizaine d'années, et que je n'avais jamais revu depuis. Ma seule véritable amie que je n'avais jamais eu. C'était une énorme coïncidence de la retrouver aujourd'hui, sur ce rocher, alors que cela faisait plusieurs années que je n'étais plus retournée ici. Une coïncidence, ou mon destin, je ne savais pas trop.
Une chose était cependant sûre, j'avais toujours su, au fond de moi, que je la reverrai un jour. Était-ce une intuition ou simplement mon espoir, ça je n'en étais pas vraiment sûre, mais je misais sur un mélange des deux. Je l'avais connu vers mes cinq ans, mais cette rencontre avait été si intense que je ne l'avais jamais oubliée.

Nous nous parlâmes de longues heures, sans voir le temps passer. Le temps s'était arrêté pour nous, même si le soleil s'était couché depuis un moment, et qu'il faisait à présent nuit noire. Nous nous reconnectâmes à la réalité lorsque mon téléphone se mit à vibrer dans ma poche arrière.
Je déverrouillais celui-ci, et je vis que j'avais reçu un message de ma mère. Apparemment, elle se serait inquiétée, mais tout était relatif, avec elle... Cependant il fallait reconnaître qu'il était près de vingt-trois heures à ce moment là.

On se promit de se retrouver le lendemain à la même heure, et je fis demi-tour, un large sourire aux lèvres. Mon énergie mentale était revenue grâce à cette rencontre inattendue, et je savais qu'à présent le ciel me souriait et que j'avais eu raison de toujours garder espoir. J'avançais donc, prête à affronter la tanière des monstres, le regard déterminé et sans faille.

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