Chapitre 1

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Un superbe navire fendait les flots avec grâce, ses ornements dorés étincelant au soleil pendant que ses voiles immaculées arborait fièrement un motif sophistiqué : un cœur écarlate surmonté d'une couronne d'argent et entouré de fines volutes, armoiries prestigieuses du propriétaire faisant écho au nom du navire plaqué en lettres d'or sur la coque, « Heart Queen ».

Sur le pont, deux jeunes filles se tenaient près du bastingage pour admirer les dauphins qui accompagnaient leur croisière. La première avait des cheveux auburn et les yeux d'un vert profond, la seconde arborait une chevelure blanche et des yeux couleur framboise. Toutes deux étaient vêtues de robes confortables et élégantes, bleu nuit pour l'une et verte pour l'autre.

- Rose ! Louka ! Venez donc prendre le thé !

Tirées de leur contemplation, les deux filles quittèrent le bastingage pour rejoindre sur le pont supérieur l'auteure de cet appel. Cette dernière était une jeune femme au sourire doux et au regard mutin, vêtue d'une superbe tenue à multiples volants, dont les coloris rouges et roses contrastaient un peu avec sa chevelure violet sombre. Il s'agissait de la Comtesse Vivaldi, propriétaire du navire, dont les deux filles étaient les demoiselles de compagnie.

- Nous voici, Madame, lança joyeusement la dénommée Rose, ses yeux verts remplis de chaleur.

- Bien. Peter ! Servez-nous donc le thé, je vous prie !

Seul le silence répondit à son injonction et Vivaldi tourna la tête autour d'elle.

- Mais...où est-il passé ? Il était là il y a à peine quelques instants... Peter ! Peter White !

Toujours aucune réponse.

- Peut-être est-il allé s'occuper des chambres ? interrogea Rose en haussant les épaules.

- Celui-là, alors, gronda la Comtesse. Jamais là quand on a besoin de lui...

Louka tendit l'oreille en direction du pont inférieur, plus particulièrement attentive à des bruits provenant de la cale.

- Oh, je crois que nous n'allons pas tarder à avoir de ses nouvelles...

L'instant d'après, la trappe qui fermait la cale s'ouvrit à la volée et un garçon en jaillit agilement, bientôt suivit d'un homme visiblement...très contrarié.

- Nom d'un #!%*?!@$*# !!! Reviens ici, espèce de sale garnement !!!

- Attrapes-moi si tu peux !!!

Le premier individu qui avait émergé de la cale était un garçon d'environ une vingtaine d'années, plutôt élancé, aux cheveux rose fuchsia foncé et aux yeux mordorés pétillant de malice. Il arborait des oreilles et une queue de chat rose, ornées de piercing, et portait la tenue d'un matelot : chemise blanche au manches amples, pantalon de toile brune et des bottes de cuir souple.

Quant à son poursuivant, il s'agissait d'un homme grand et mince, aux cheveux mi-longs blanc-gris, une paire de larges lunettes rondes posées sur son nez. Son costume composé d'un mantelet rouge et d'un pantalon noir était orné de quelques losanges, et une montre à gousset dépassait de sa poche pectorale. Ce dernier peinait à reprendre son souffle, les joues rougies par l'effort et ses yeux lançant des éclairs, pendant que le garçon le narguait, perché sur le bastingage.

- C'est déjà fini ?

- Sale gamin, va immédiatement reposer à la cale ce que tu y as volé !

- Volé ? Moi ? rétorqua le garçon en inclinant la tête sur le côté. Mais non...

L'homme se redressa et se précipita vers le garçon, lequel lui échappa en sautant dans l'escalier qui menait au pont supérieur.

- C'était juste pour goûter, pas de quoi en faire un plat.... T'as compris ? Goûter. Un plat. Pfff... !

- Grrrr !!!

La course-poursuite mena les deux individus à tourner autour de la table où se trouvait la Comtesse et ses demoiselles de compagnie, et celle-ci expira lentement.

- Peter...

Vivaldi avait à peine murmurer le nom mais l'homme s'arrêta net dans sa course, presque au garde-à-vous avant de se tourner vers elle. La jeune femme se tenait accoudée sur la table, le menton posé sur une de ses mains pendant que l'autre tenait son éventail. La pose était charmante. Mais en réalité, n'importe qui la regardant pouvait percevoir l'aura noire d'exaspération qui émanait d'elle, pendant qu'une veine gonflait dangereusement sur sa tempe.

- Quand vous aurez fini de jouer les imbéciles, vous pourrez peut-être nous servir le thé, qu'en pensez-vous ?

Le sourire en apparence aimable qui fendait son visage venait de faire baisser la température ambiante de 10°. Quant à l'éventail, le malheureux était en train de se fissurer sous la pression des doigts de la jeune femme.

- B-B-B-B-Bien sûr, Madame ! Je vous présente mes plus plates excuses !

Le pauvre homme remit en hâte de l'ordre dans son costume et s'occupa rapidement de servir le thé aux trois filles. Derrière lui, le garçon finissait de grignoter le gâteau qu'il tenait dans la main. Rose se tourna vers lui et lui jeta une œillade suspicieuse :

- Qu'est-ce que tu as encore fait, Boris ?

Le garçon répondit par un sourire espiègle qu'il voulait innocent :

- J'ai juste fait le goûteur, Rose, quel mal y a-t-il à vérifier la bonne qualité de nos vivres ?

Rose rit doucement à sa réponse mais Peter ne comptait pas en rester là, maintenant qu'il avait rempli ses fonctions d'intendant.

- Il s'agissait des gâteaux de la Comtesse, petit impertinent !

- Roooh, mais comment je pouvais le savoir, moi ? rétorqua le plaisantin en haussant les épaules. C'est pas comme si y avait son nom marqué dessus, si ?

- Espèce de petit... !

- Peter ! intervint Vivaldi en sirotant sa tasse de thé. Laissez donc ce garçon tranquille, voulez-vous ?

- Mais, Madame la Comtesse, il a osé chaparder dans les réserves de nourriture...

- Ça n'a aucune importance, voyons, décréta Vivaldi en relevant la tête, un grand sourire sur le visage. Un jeune homme aussi adorable et charmant que lui ne peut pas être puni pour une broutille.

La mâchoire de Peter White manqua de se décrocher pendant que les deux jeunes filles se détournaient pour dissimuler leur rire. Vivaldi était stricte, toute autre personne aurait subi une sentence en conséquence de ses actes mais il était de notoriété publique dans l'entourage de la Comtesse que cette dernière adorait Boris et le favorisait énormément. Cet attachement était très probablement dû aux attributs félins du garçon, Vivaldi étant connue pour son amour des chats. Et l'intéressé n'hésitait pas à profiter de son statut privilégié pour jouer des tours espiègles à tout le monde.

Wonderland Pirates. Le médaillon des océans.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant