Chapitre 45

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Mère m'a souvent répété que croire à l'amour vrai n'est qu'une sottise. Elle a l'air bien sûre d'elle – son histoire avec Père n'a jamais été ni spéciale ni affectueuse, j'en conviens. Mais son expérience personnelle lui donne-t-elle vraiment le droit de me condamner à la même chose ?

Je suis l'ainée, notre futur repose sur moi. Le mariage devient un choix difficile pour quelqu'un dans ma situation : le bon parti sera celui qui garantira le plus d'avantages à ma famille. Je n'en veux pas, pourtant. Je ne veux pas me lier à quelqu'un que Mère aura choisi pour moi.

Parce qu'hier, j'ai cru avoir trouvé quelqu'un moi-même...

***

Il faisait encore frisquet quand Corentin quitta le chalet d'amis.

La nuit n'avait pas été des plus reposantes, mais c'était plus de sommeil qu'il n'avait eu depuis le désastre du second Sceau. Mephis refusait toujours de se montrer. Pourtant, son ombre planait toujours quelque part dans sa tête, si bien qu'à six heures du matin, Corentin en eut assez. Il s'était glissé hors de sa chambre, prenant soin de ne pas faire de bruit qui puisse réveiller ses camarades. Il avait encore une heure avant que l'activité ne commence chez sa grand-mère. Autant se préparer pour l'important.

Il salua d'un geste quelques sorcières dans une petite arène plus loin avant de se rendre vers le ring derrière la maison. Le petit terrain était entouré d'un cercle de sort peint par terre, destiné à le garder sec et réchauffé pour qui souhaitait s'entrainer par jours de froid ou de neige. Il faisait encore frisquet, mais Corentin se défit de son haut de survêtement bien vite et entama ses étirements.

Le prochain Sceau est le tien.

Il saisit un bâton parmi les rangements en bas du ring.

Tu as été choisi pour servir d'exemple.

Il monta les deux marches, l'arme virevoltant aisément entre ses doigts.

Tu es censé mener le jeu, pas le ralentir.

Et le premier coup fendit l'air.

Un, deux, trois, répétition. Toute la routine qu'il avait apprise lui revint naturellement en mémoire. Les exercices de vitesse et d'agilité avec tante Macy, et ceux de force avec –

Debout, petit corbeau. Je ne te permettrai pas de poser le pied sur le champ de bataille sans que tu saches te défendre, encore moins si c'est pour défendre neuf autres personnes !

Le coup suivant fut tellement brutal qu'il fit écho au-delà du ring. L'image de Julia Varlett proférant sa haine éternelle se dessina devant ses yeux, et Corentin sentit son bâton trembler légèrement.

Il inspira à fond. Non, il avait déjà perdu trop de gens qui comptaient. Un nouvel échec serait inacceptable.

— Quelqu'un est bien matinal, fit une voix derrière lui.

Il se retourna, surpris, et aperçut Caleb qui arrivait. Exception faite pour son précieux nodachi, il était déjà paré de tout son ensemble d'entrainement. Lui aussi se levait donc aussi tôt ?

— Il faut bien se distraire quand on ne peut pas dormir, répondit Corentin.

— Ça fait deux d'entre nous. Tu permets que je te rejoigne ?

Il n'attendit pas de réponse, allant directement choisir un bâton dans la réserve.

— J'ai entendu tellement de choses sur toi, dit-il. Les Élus se plaignaient constamment de ce Corrompu Capital si difficile à vaincre... mais je n'ai jamais eu l'occasion de te tester moi-même.

Eyes of the AuraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant