Chapitre 5

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Elle sortit son téléphone pour envoyer un message à Bonnie.
Et c'est là qu'elle le vit.
Un petit point lumineux se reflétait sur son écran par-derrière, juste au-dessus de sa tête. Son sang se glaça.

Quelqu'un allait lui tirer dessus.

Mais qu'est-ce que...

Elle ravala péniblement sa salive et fit mine de continuer à consulter son portable, les mains tremblantes, le cœur affolé, les yeux fixés sur le petit point brillant. Puis soudain elle le vit bouger, et ses membres se raidirent.
Une détonation retentit.

Tracy eut le réflexe de se jeter à terre dès qu'elle eut perçu le mouvement du point. La balle passa à un cheveu au-dessus de sa tête, avant d'aller ricocher sur le pavé du trottoir.

Elle entendit un bruissement de feuilles et se retourna vivement. Quelqu'un était là, derrière elle, caché entre les branchages d'un arbre, prêt à la percer de tirs.

— Qui êtes-vous? hurla-t-elle paniquée. Qu'est-ce que vous me voulez ?

Elle n'eut pas de réponse et réalisa bien vite que parler à un inconnu invisible qui semblait déterminé à la tuer était plutôt stupide. Un bruit de chargement d'arme la sortit de sa torpeur; elle se leva rapidement et courut le plus vite possible, sans regarder en arrière.

Trois autres détonations succédèrent à la première, toujours la ratant de quelques centimètres. Tracy cria à l'aide de toutes ses forces, la peur lui tiraillant les entrailles. Mais personne ne lui répondit.

Et pour la raison que personne ne la voyait. Elle était devenue une sorte de fantôme qui traversait les passants sans qu'ils s'en aperçoivent. Elle courait comme une folle à travers les rues, les poumons déchirés d'appels désespérés, sans que personne ne l'entende ni ne la voie. Avec un chasseur des plus persistants à ses trousses.

Elle avait si peur qu'elle ne fit même pas attention aux larmes qui lui montèrent aux yeux. La vue brouillée, elle trébucha soudain en poussant un cri aigu, alourdie encore par son sac à dos. Aucun des passants ne paraissait l'apercevoir. Elle essaya d'amortir sa chute avec ses mains et finit par s'écorcher les paumes, la douleur accentuant ses larmes. Des pas résonnèrent derrière elle ; elle tenta de se lever à nouveau mais retomba en gémissant. Son genou droit la brûlait.
Elle tourna la tête pour au moins voir son agresseur. Peine perdue, puisqu'il continua à se tenir dans l'ombre.

— Qui que vous soyez, laissez-moi tranquille !

Le canon d'un revolver se leva sur elle. Pas de doute, cette fois le coup serait porté en toute adresse. Et dans le plus grand silence.

Mais pourquoi est-ce que personne ne la voyait plus ?

Elle leva les bras pour se protéger le visage. Pourquoi faire ? Il n'allait sûrement pas tirer une seule balle. Sauf qu'elle ne distinguait plus ce qu'elle faisait ni ne se demandait l'utilité de son geste. Elle ne bougeait plus que par la terreur qu'un nouvel instinct de survie lui imposait, les membres glacés et soudain insensibles à la douleur de ses blessures.

Quelle détonation serait-ce ? Elle ne savait plus. Elle avait perdu le compte à la quatrième.

Un nouveau tir traversa les airs en sifflant.

Tracy sentit un liquide froid couler de son front et sur son dos. Elle n'osait même plus respirer. C'était fini, elle avait été abattue par une ombre dont elle n'aurait jamais l'occasion de connaître le visage, ou le nom, ou l'Aura.

Puis quelque chose lui rappela que le sang n'était pas censé être froid. Elle ouvrit prudemment un œil, la respiration saccadée, craignant que l'ombre ne se soit approchée pour encore mieux l'atteindre au cœur.

Mais il n'y avait plus rien. L'ombre avait complètement disparu.
Et juste devant elle, aussi incroyable que cela pouvait paraître, se dressait un bouclier de chaines en acier. La balle qui avait failli lui trouer la cervelle gisait au sol, immobile.

Tracy recula brutalement. Les chaines firent écho à son mouvement, s'aplatissant par terre et reculant avec elle. Terrorisée, elle réalisa qu'elles étaient liées à ses poignets et à ses doigts. Elle secoua violemment les bras pour s'en défaire, sans succès. Les chaines lui étaient attachées.
Elle scruta frénétiquement les alentours. Le tireur s'était vraiment volatilisé sans laisser de traces. Elle baissa les yeux à nouveau vers ses mains ; à sa grande surprise, les chaines avaient disparu à leur tour.

— Pardon, est-ce que ça va?

Elle leva les yeux pour voir une femme penchée sur elle lui tendre la main pour se relever. Tracy se rendit compte qu'elle avait oublié qu'il y avait bien des gens qui bougeaient autour d'elle. Sa course poursuite avec l'ombre mystérieuse lui avait donné l'impression d'être devenue seule au monde.

Eyes of the AuraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant