Enfin, il abattit la dernière goule, le corps du mort-vivant s'affaissant dans la neige, s'enfonçant sans un bruit dans le tapis blanc qui recouvrait le sol. Il rengaina son arme à son côté. Le maire de la ville s'approcha d'Abriel Duclerc.
Par une petite ruelle adjacente apparût un homme de forte stature et de grande taille, portant à la main une grande hache de guerre. Il se posta aux côtés d'Abriel :
<<- De mon côté c'est réglé : plus une seule goule dans les rues, je viens d'effectuer une patrouille pour m'en assurer, dit-il d'une voix lente et forte
- Tu as bien fait, lui répondit l'épéiste aux cheveux blancs.>>
Le maire regarda les deux mercenaires un moment. Ils semblaient être l'opposé l'un de l'autre : l'un était de taille moyenne le second avoisinait les deux mètres dix. L'épéiste, Arbriel, avait une forme physique peu développée et le second semblait une force de la nature. La seule chose qui les rapprochait étaient leurs cheveux et leurs barbes : ils portaient les cheveux longs et une barbe bien taillée. Cependant Kalanön, aussi surnommé la Falaise, abordait une barbe plus fournie qu'Abriel et des cheveux plus longs, lui tombant au milieu du dos quand il ne les attachait pas. Le maire leur tendit à chacun une bourse de cuir noir, au ventre bien rond. Abriel défit le cordon qui nouait la bourse et fit glisser les Dramids dans sa main et les compta.
<<- ... Quatorze, seize et vingt pièces de cinq Dramid le compte y est. Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous, dit le mercenaire aux cheveux blancs en refermant sa bourse. Au plaisir de vous revoir.>>
Ils rangèrent les bourses dans leurs sacs de toile et les deux camarades tournèrent le dos au maire et partirent. Au bout de quelques pas Abriel s'arrêta.
<<- Nous allions oublier, fit-il à l'intention du maire en revenant sur ses pas. Une simple formalité, dit-il en le dépassant d'un pas vif.>>
Il se dirigea vers le corps d'une Goule et lui fit sauter la tête du corps en un mouvement rapide de son épée. La créature ne perdit qu'un léger filet de sang, les fonctions vitales de ce mort-vivant ayant cessé de fonctionner il y a bien longtemps. Abriel revint vers le maire et lui tendit un papier, décoré du sceau de la guilde des Flammes Pourpres - une flamme rougeâtre entourée de deux flammèches entre croisées -.
<<- Ici et là, lui dit Abriel en pointant les coins inférieurs droit et gauche de sa feuille. A gauche le nombre de goule tuées et ici une signature de votre main pour officialiser le document.
Et devant le regard d'incompréhension du maire il ajouta :
- Votre ville a échappé aux attaques de Goules jusqu'à aujourd'hui si j'en juge à votre regard. C'est simple : c'est pour une question de prime quand nous serons de retour à la guilde.
- Encore de l'argent ? fit le maire étonné. Je sais bien que les temps sont durs mais tout de même... fit-il en signant.
- Vous savez, rétorqua Abriel, si on est mercenaire ce n'est pas par amour du métier au contraire. On honore trois à quatre contrats par jour, on se déplace de ville en ville à nos frais. Le seul avantage de ce métier c'est que ça paye bien. Puis on finit par s'y faire, ça devient comme une philosophie de vie pour nous autres.>>
Abriel fit glisser son document de prime dans son sac puis retourna auprès de Kalanön, et les deux compères partirent de la ville. A la sortie de celle-ci ils croisèrent une unité sanitaire, d'une autre guilde, venue pour soigner les blessés et brûler les corps des goules et de leurs victimes. Les deux camarades s'approchèrent d'un wagonnet-roulant, une sorte de grand bac en métal pourvu de sièges, monté sur quatre roues, fonctionnant avec un système hydraulique. Abriel laissa la commande, de ce qu'il qualifiait « d'engin de Morwir * », à Kalanön, bien plus doué que lui pour manœuvrer cette chose. Abriel monta dans ce bac de métal sur roue tout en fourrant la tête de la Goule dans un troisième sac de toile, mais bien plus grand que les deux leurs, où se trouvaient les têtes des autres Goules abattues dans la semaine. Malgré tout ce qu'il pensait des Gobelins il dut bien reconnaitre que leurs wagonnet-roulant étaient des plus pratiques pour parcourir de longues distances, et bien plus rapides que le plus rapide des coursiers. Kalanön appuya sur plusieurs boutons, actionna une manette, puis une autre et le wagonnet-roulant commença à avancer, puis prit de plus en plus de vitesse jusqu'à atteindre une certaine allure, tandis que les deux mercenaires mettaient le cap vers Kallahorne.
*Morwir, dit "le Châtieur" : il s'agit de l'une des Quatre Entités de la Mort. Ceux envoyés en son Donjon son les défunts qui ont menés une vie de meurtre, de viols et d'autres crimes majeurs.
VOUS LISEZ
Le Chant des Neiges
FantasiLe monde de l'Ælegesëa traverse une grande crise. Depuis la Vague Blanche, une tempête qui dura dix ans, le monde est couvert de plusieurs mètres de neige et de glace, et la magie n'est désormais plus qu'un ancien souvenir. Abriel Duclerc et Kalanön...