The one where he asks the way

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Sur le quai de la station Montparnasse Bienvenüe depuis plus de cinq minutes, Pauline soupira en voyant que les deux points clignotaient toujours sur le panneau lumineux. Alors qu'il affichait habituellement le temps d'attente avant le prochain métro, un problème sur la ligne avait tout déréglé, rendant les temps indisponibles. Les mains fourrées dans les poches de sa veste kaki, elle fixa de nouveau son regard au sol, alors que sa chanson préférée se mettait en route dans ses oreilles. Un sourire se peignit sur son visage et elle mordilla sa lèvre inférieure doucement pour s'empêcher de se mettre à chanter et danser comme elle aimait le faire dans sa chambre d'étudiante lorsque le morceau passait. Elle n'était pas toute seule et on la prendrait très certainement pour une folle dingue, sachant qu'elle était complètement calme et éteinte depuis plusieurs minutes. Non, ce n'était pas une bonne idée. Elle se contenta donc de mimer les paroles sur ses lèvres alors que son regard scannait le quai d'en face. L'ennui se lisait sur tous les visages et elle aurait bien partagé sa musique avec le reste des personnes présentes pour les faire sourire. Tout le monde aurait tapé dans ses mains au moment propice ou imité Chandler en frappant sur leur téléphone et l'ambiance aurait été un peu plus joyeuse qu'actuellement. Pourtant Pauline comprenait cette atmosphère maussade. Elle était en vacances ici, mais les gens en costume avec une sacoche à la main se rendaient au travail et c'était loin d'être aussi amusant.

Alors que la chanson touchait à sa fin, la jeune fille s'aperçut que le panneau lumineux s'était remis en marche. « Prochain train dans trois minutes, le suivant dans cinq minutes » venait d'annoncer la voix. Un nouveau morceau commença dans ses oreilles. Un titre de John Lennon qu'elle affectionnait particulièrement, cette fois. Puis une légère pression s'exerça sur son épaule et elle se retourna dans un sursaut, avant que son cœur ne rate un battement. Ses yeux se retrouvèrent plongés dans une grotte incrustée de milliers d'émeraudes et elle vit des lèvres incroyablement roses en mouvement avant d'entendre ce que le jeune homme qui se tenait devant elle avait à lui dire. Cramoisie, elle retira ses écouteurs, bafouilla qu'elle était désolée et lui demanda de répéter. Le brun qui faisait bien plus de deux têtes de plus qu'elle sourit, amusé, avant de reprendre, toujours aussi près d'elle. Elle pouvait sentir son parfum et il lui faisait définitivement tourner la tête, ce n'était plus qu'une expression.

« Est-ce que ici c'est la chemin pour le Tour Eiffel ? demanda-t-il avec un fort accent britannique qui ne put que faire sourire Pauline, alors que sa voix grave la faisait doucement défaillir.

- Oui, c'est bien ça, affirma-t-elle. La station est indiquée à l'intérieur du métro, vous ne pourrez pas vous tromper. »

Il fronça des sourcils brièvement avant d'hocher la tête, un peu perdu. Il la remercia, toujours en français, avant de replonger la tête dans le livre qu'il avait ouvert entre les mains. Pauline l'observa un court instant, en profitant du fait que le métro arrivait à quai pour regarder sur sa gauche. Il portait un slim noir visiblement très serré, une paire de Nike jaune fluo, un t-shirt blanc à manches courtes auquel était accrochée une paire de lunettes de soleil, un bonnet vert kaki clair était vissé sur ses cheveux bruns qui semblaient un peu longs et bouclés et enfin, il avait un sac en bandoulière en cuir orangé sur l'épaule, auquel était suspendue une chemise à carreaux gris vert. Sur son bras gauche, de nombreux tatouages qu'elle était incapable de comprendre. Le métro s'arrêta devant eux et elle secoua la tête pour se sortir de sa contemplation. C'est vrai que ce garçon était bourré de charme et que son regard était plus qu'intriguant, mais il était étranger, sûrement déjà pris et de toute manière bien trop vieux pour elle. Que lui prenait-il ? Il n'avait fait que lui demander son chemin et sourire à sa maladresse, rien d'alarmant.

Pauline s'assit sur le strapontin libre sur sa droite et enfonça à nouveau ses écouteurs dans ses oreilles pour se replonger dans son monde pacifique où John Lennon imaginait que tout le monde pourrait s'aimer sans se soucier des différences. Au dessus de son regard, elle pouvait voir le jaune fluo des chaussures du Britannique. Il était assis juste en face d'elle, les coudes sur les genoux, son livre entre les mains. Mais il n'était pas en train de lire. Quand Pauline releva la tête quelques secondes, elle s'aperçut qu'il la fixait, par dessus les pages du roman. Roman qui n'était autre que le cinquième tome des célèbres aventures du sorcier à lunettes de J.K. Rowling, soit celui qu'elle préférait. De quoi faire sourire Pauline encore un peu plus. Déstabilisée par son regard clair et profond, elle ne garda pas le contact plus de cinq secondes avant de regarder par la fenêtre du métro, en espérant qu'il baisse la garde et retourne à ses pages. Mais les minutes passaient, les stations aussi, et elle sentait toujours son regard pesant. Pas que cela ne la dérange qu'un joli garçon l'observe, elle était justement embarrassée par la situation. Ce n'était pas tous les jours qu'un jeune homme lui accordait une attention particulière; en fait, ce n'était jamais réellement arrivé. Il lui faisait presque peur, à s'imprégner de ses traits de façon si évidente. Le wagon était quasiment vide, à l'exception d'un couple et d'un vieil homme, un peu plus loin. Devait-elle paniquer ?

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