The one where she meets him at sunrise

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Le ciel était encore rosé lorsqu'Harry arriva à Primrose Hill, à 8h30 pétantes, comme chaque semaine. Le soleil n'avait commencé à se lever qu'une petite demi-heure auparavant à peine et la lumière était sublime. C'était celle qu'il préférait, même si elle était la plus compliquée à capturer dans un argentique. Les rayons étaient éclatants, tellement qu'il était obligé de poser une paire de lunettes de soleil sur son nez pour trouver son chemin dans le parc et c'était très audacieux que d'essayer de rendre justice à une scène d'une pareille beauté. Harry s'appliquait à le faire le mieux possible chaque semaine. Il en exigeait toujours plus de lui-même et il était déterminé à réussir un jour à obtenir un résultat qui le satisfairait un minimum. Peut-être que ça viendrait ce matin, s'il arrivait à emprisonner ce petit éclat framboise qui serpentait dans le ciel comme du coulis sur une pâtisserie. La comparaison était enfantine et digne d'un gourmand, mais l'impression était vraiment là.


Emmitouflé dans un hoodie vert -floqué aux couleurs d'une équipe de football américain- surmonté d'un gros manteau camel tout douillet, ses longues boucles emprisonnées sous la capuche de son sweat, il était bien au chaud et la brise matinale qui s'abattait sur la capitale anglaise ne l'atteignait qu'à peine. Arrivé à son lieu de prédilection, Harry se baissa pour déposer son traditionnel frappuccino frais de chez Starbucks dans l'herbe, à côté de ses pieds, alors qu'il retirait la protection de l'objectif de son appareil qui pendait autour de son cou. Le soleil commençait à pointer son nez entre les nuages, entre les branches des arbres dénudés par l'hiver, et il ne fallait pas qu'il tarde de trop s'il voulait avoir la photo qu'il espérait. Autrement, il devrait attendre une semaine supplémentaire. Et c'était un mensonge, parce que la lumière était différente chaque jour et qu'il voyait bien la différence d'une semaine à l'autre. S'il se foirait, c'était fichu, il manquerait une pièce du puzzle qu'il construisait. Alors il ne traîna pas. Il sortit son réflex de la besace qu'il trimballait tous les lundis matins et commença ses réglages. Il n'avait pas une précision aussi exemplaire avec son argentique et les photos coûtaient bien plus cher. Alors il faisait des tests avec le numérique, attendait le moment propice avant de se jeter sur cette relique qu'il aimait tant pour capturer ce paysage d'un instant. Parfois, c'était rapide. Parfois, c'était plus long. Il lui était arrivé de rester deux heures à cet endroit, hésitant. Mais ça ne l'avait jamais dérangé. Il aimait ca, et il ne voyait pas ses lundis matins autrement. Il aimait la routine, ce n'était pas quelque chose qui l'effrayait. Même s'il n'aurait pas craché sur une petite étincelle qui pourrait bousculer sa vie londonienne un peu monotone par moments.


8h47. Clic. C'avait été plutôt rapide, ce matin, et Harry s'en félicita. Il était fier de ce qu'il venait de faire et il était content de savoir qu'il ne lui restait plus que deux prises dans sa pellicule. Il connaîtrait le résultat très rapidement. Un sourire aux lèvres, il retira ses lunettes de soleil pour observer le paysage autour de lui, les mains dans les poches de son gros manteau. Les couleurs étaient bien plus jolies sans, il était simplement obligé de les garder en observant le soleil, au risque d'abîmer ses yeux. Le regard fixe, perdu dans ses pensées, Harry laissa le vent frais lui piquer les pommettes alors que l'odeur d'herbe humide s'infiltrait dans ses narines. A cet instant, il avait presque pitié de ces jeunes qui passaient leur temps derrière leurs ordinateurs au lieu de profiter de la beauté de la nature. Il avait le même âge qu'eux et oui, il avait des amis, oui il avait des choses à faire, mais ces lundis matins étaient son échappatoire à sa vie un peu trop prise de tête et il aimait cette sorte de communion avec la nature dans laquelle il entrait, posté à quelques mètres de cet arbre qui symbolisait le centre même du parc, chaque semaine. Il était seul, perdu dans le silence. Il voyait parfois quelques joggeurs passer au loin, une fraction de secondes et il était livré à lui-même de nouveau. Il entendait parfois le bruissement de quelques feuilles, apercevait des moineaux ou des écureuils, qu'il essayait de prendre en photo dans le plus grand des calmes. Mais eux aussi repartaient aussitôt, et il était seul, encore. Et ca lui faisait du bien. Un jour, il y a de cela un mois, un papa avait amené ses enfants d'environ six-sept ans promener leur chien. Autant Harry aimait les petits, autant il avait eu envie de les étrangler, cette fois-là. Parce qu'ils étaient restés des minutes entières dans l'angle de son objectif et qu'il avait presque manqué son cliché à cause d'eux et des aboiements incessants du pauvre animal que les piaillements des enfants énervait.

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⏰ Dernière mise à jour : May 14, 2015 ⏰

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