Le temps passe

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Les années passent, je continue de grandir et mes sentiments grandissent avec moi mais ne sont toujours pas partagés. Et à bien y réfléchir, c'est mieux ainsi. Je n'aurais jamais pu assumer une relation avec Lucas dans l'enceinte du collège avec toutes ces filles qui lui tournent autour et ces comportements qui n'ont pour seul et unique but que de détruire les « couples » qui se forment dans la cour du collège. Ce qui ne m'empêche pas de souffrir silencieusement du manque d'intérêt de Lucas pour moi et malheureusement, grandir accentue la compréhension des sentiments amoureux, mais également la jalousie et la douleur de le voir avec les autres. Mais notre amitié est toujours plus forte et quand il m'accorde son attention, je respire. Je vie pour ces moments-là.

Je suis en 5ème lorsque Lucas me plante un deuxième couteau dans le cœur. Celui-ci m'a profondément marqué.

Il fait beau ce jour-là. Je suis assise sur le dossier d'un banc dans la cour, entourée de mes amies. Sur le banc qui se trouve à 3 mètres du mien, il y a Lucas et son ami Fabien. Evidemment je le vois, je sais toujours où il est. Je lui souris, je rougis, je chuchote et je glousse avec mes amies qui savent ce que je ressens. Lucas chuchote quelque chose à l'oreille de Fabien, ils rient tous les deux tout en me lançant des regards et Lucas quitte son banc et s'éloigne. A ce moment-là, je sais qu'il se passe quelque chose, mais quoi ? Je l'apprends très vite.

Fabien se lève à son tour et m'appelle. Je me lève et le rejoins à quelques mètres de mes amies. Il me pose alors cette question qui ne se pose qu'à nos âges : « Tu veux sortir avec Lucas ? ». Je lui demande pardon, je ne comprends pas, mais qu'est-ce qu'il me raconte ?

Il m'explique que Lucas est amoureux de moi et qu'il veut savoir. Je crois que mon cerveau grille sur le champ. Pourtant, si je suis honnête avec moi-même, j'ai toujours eu un doute. Mais à ce moment-là ma joie a étouffé la petite voix encore douée de conscience qui aurait pu m'éviter cette humiliation.

Je me contente de répondre oui, avec un sourire. Je suis envahie par le stress : Que va faire Lucas avec ma réponse ? Est-ce que les choses vont changer ?

Mais finalement mes espoirs ne vont pas vivre longtemps. Quelques heures plus tard, devant le self en attendant de pouvoir y entrer pour déjeuner, mon amie Lili me rejoint. Elle voit mon excitation et je lui en explique les raisons. Elle rit, d'un rire moqueur qui me refroidit instantanément, et s'en va trouver Lucas dans la cohue d'élèves pour lui poser la question. Quand elle revient, le sourire aux lèvres, elle m'annonce que Lucas m'a fait une blague, il rigolait.

Il rigolait.

Je ne sais pas si je vais réussir à vous expliquer ce que j'ai ressenti à cet instant précis.

D'abord l'humiliation, suivie de très près par la trahison. Comment mon meilleur ami pouvait-il rire de mes sentiments à ce point-là et devant témoins ?

Mon sourire me quitte tout de suite. Le stress laisse place à autre chose que je suis incapable de nommer : je suis une boule de nerfs mortifiée, et je rumine tout le reste de la journée. Pour la première fois depuis un an et demi, je fuis Lucas au lieu de le suivre. Je me cache parce que je sais qu'il va me chercher pour m'en parler et je refuse de lui faire face. Je suis au bord des larmes mais là aussi, je refuse de leur céder, pas à l'école, pas devant tout le monde.

A dix-sept heure sonne la fin du dernier cours de la journée. Je quitte l'établissement et rejoins lentement la zone d'attente pour les bus scolaire. La tête basse, je serre les dents, j'ai mal au ventre et, là aussi, pour la première fois, je ne ressens pas la moindre joie à prendre le bus.

Pendant que je continue d'avancer, quelqu'un me tombe dessus. Lucas. Son bras autour de mon coup, le sourire aux lèvres, il me sert contre lui :

- Je ne t'ai pas revue aujourd'hui, tu me fuyais ?

- A ton avis ?

- Oh allez... C'était une blague, c'était pas méchant, je rigolais. Fais pas la tête ! j'aime pas quand tu me fais la tête.

Cette phrase suffit à ratatiner un peu plus ma conscience.

- C'est bien parce que c'est toi, m'entends-je lui répondre.

Je le regrette instantanément. Je déteste ma faiblesse, je déteste lui céder car dans la seconde il me lâche, content d'avoir obtenu ce qu'il voulait et se dirige tout sourire vers la zone d'attente des bus. Et je me sens encore plus ridicule. Alors ce soir-là, je m'assoie loin de lui, je mets mes écouteurs, je pose ma tête contre la fenêtre et je serre à nouveau les dents pour ne pas pleurer. Pendant le trajet il change de place pour se retrouver à côté de moi en délaissant Lili qui riait toujours de cette fameuse blague. Le voir à mes côtés lui a ôté tout sourire. Mais même si je suis contente la voir bouder du changement de place de Lucas, je n'accorde aucune importance à ce dernier. Il me retire un écouteur :

- Ça va ? me demande-t-il.

- Ouais...

- Tu boudes ?

- Laisse-moi tranquille, lui réponds-je en replaçant mon écouteur.

En sortant de bus je n'ai pas un mot pour lui et rentre chez moi sans me retourner. Je suis blessée par sa « blague », blessée par son comportement désinvolte et blessée de savoir qu'il n'a aucune raison de s'inquiéter parce que je ne pourrais pas me tenir éloigner de lui bien longtemps.

Dès le lendemain, cette histoire est oubliée bien sûr. Un sourire, un regard de Lucas et tout est pardonné, oublié... Ce qui n'est pas totalement vrai, de toute évidence.

Mon enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant