Prologue

10.7K 682 127
                                    

Springfield, Massachusetts

Bordel ! Pourquoi ne m'écoute-t-elle donc jamais ? Les mains serrées sur le volant, j'appuie sur l'accélérateur pour partir à sa recherche. Le téléphone de Sarah balancé sur le siège passager est resté ouvert sur l'application Instagram, avec une photo d'elle qui ne la met pas à son avantage. Même sur le cliché, on remarque que ses yeux bleus sont injectés de sang. Elle se déhanche à moitié nue dans un salon, vêtue uniquement d'un jean et d'un soutien-gorge. Dieu seul sait si elle les portera encore à mon arrivée. Par chance, Sarah a oublié son portable à l'appartement et je connais tous ses mots de passe. Le deuxième miracle, c'est que le lieu est indiqué dans la légende, me permettant de ne pas perdre de temps à jouer les investigateurs.

Je tourne dans un quartier bourgeois et entends la musique résonner à fond. Étonnant que personne ne se plaigne pour tapage nocturne, surtout que le choix de la chanson laisse à désirer. Alors on Danse, de Stromae. Je ne critique pas l'œuvre que je trouve exceptionnelle, mais ces idiots qui se déhanchent sur un son bouleversant dont ils ne saisissent pas les paroles. À travers son talent, l'auteur veut faire passer un message fort à une société qui dérape. Cette fête est un pur exemple de la médiocrité de ce monde. Je ne prends pas la peine de chercher une place et me gare en trombe devant la maison, pardon, la villa qui me surplombe. Les poings serrés, je m'enfonce au milieu de la foule à la recherche de Sarah, poussant les personnes qui se mettent sur mon chemin sans délicatesse. C'est un pur lieu de débauche ici. Sarah fait de pire en pire.

Je ne la trouve nulle part dans le salon, mais des cris d'encouragements qui proviennent de l'extérieur attirent mon attention. Je me rends dans le jardin sans plus tarder et si je ne contrôlais pas mes réactions, ma mâchoire serait en train de pendre devant le spectacle auquel j'assiste. Entourée d'une meute d'hommes en ruts, Sarah se déhanche comme une diablesse au sommet d'une table qui tangue. Ses cheveux châtains et ondulés virevoltent au rythme de ses mouvements et ses doigts fins... glissent vers son pantalon pour le déboutonner sous les sifflements et les caméras. Cette fois s'en est trop.

— Sarah Atkins, descends de là immédiatement !

Certains me huent pour mon intervention et me demandent -aimablement- de foutre le camp. Je les ignore, focalisant mon regard sur Sarah qui remarque enfin ma présence.

— Gabiiiiiiii ! hurle-t-elle d'une voix aiguë à m'en percer les tympans. T'es venu !

Parce que j'étais invité ? Une main se faufile maladroitement dans mes cheveux bruns avant de tapoter ma joue en m'adressant un large sourire. Le tout pour repartir de plus belle dans son déhanché. Est-ce qu'elle se fout de moi ?

— Putain, Sarah !

— Dégage de là, me hèle un type sur ma droite.

— Sinon quoi ?

Je le dévisage de toute ma hauteur et le crétin baisse immédiatement le regard. Je ne possède peut-être pas la carrure de Hulk, mais mon corps est assez bien bâti pour remettre en place quelques abrutis. L'endroit d'où je viens m'a appris qu'il fallait savoir se battre pour survivre. Ce n'est pas ce pauvre geek qui risque de m'effrayer, ni les joueurs de l'équipe de basket qui continuent de filmer. Las de me répéter sans parvenir à me faire entendre, j'attrape la main de Sarah et la tire vers moi pour qu'elle tombe de la table et atterrisse sur mon épaule. Des jurons sont lâchés et je n'ai pas le temps de faire plus de trois mètres que le même nombre de types se dresse sur mon chemin.

— Je crois que la fille n'a pas envie de partir, dit celui du milieu alors que Sarah se débat pour redescendre.

Quelle plaie !

Primitif [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant