Primitif [Terminée]

Chapitre 9 (Gabriel)

Presque trois semaines se sont écoulées et la demande de Raphaël tourne encore en boucle dans mon cerveau, comme une obsession. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à me le sortir de la tête ? Il faut dire que ses regards soutenus chaque fois qu'on se croise en classe, dans un couloir, ou n'importe où ailleurs n'aident en rien. Ce type est pire que Kilgrave, Crâne Rouge et le Joker réunit ! Le super-vilain de mon cœur prêt à user de tous les stratagèmes possibles pour l'atteindre et le réduire en miettes. Je devrais le fuir, tout en moi me hurle de prendre mes distances et c'est ce que je m'efforce à faire depuis notre dernier moment seul à seul. Pourtant cette promesse n'a de cesse de me hanter. Pourquoi lui ai-je donné ma parole ? Au départ, je voulais juste qu'il me lâche la grappe et déguerpisse de chez moi, mais c'est l'inverse qui s'est produit. Raphaël est partout, comme une ombre prête à m'engloutir, sans jamais m'autoriser à retourner vers la lumière. Il est un appel au péché, mais contrairement à Adam, je ne croquerai pas dans le fruit défendu.

— Gabriel... Hey oh ! Gabriel ?!

J'ignore depuis combien de temps Anita cherche à attirer mon attention. Nous sommes installés à la table la plus en recul du réfectoire et une fois n'est pas coutume, mes yeux sont rivés sur Raphaël qui plaisante avec ses amis. J'en suis venu à détester qu'il fréquente ces abrutis. Deux doigts claquent devant moi et je me souviens de la présence d'Anita.

— Quoi ?! je peste en daignant enfin lui accorder un regard.

— Je croyais que tu n'aimais pas les joueurs de l'équipe de basket, se plaint-elle en m'analysant d'un air circonspect, comme s'il s'agissait d'une trahison.

— C'est le cas, dis-je en croquant dans une pomme.

— Alors pourquoi baves-tu devant leur capitaine ?

Je suis à deux doigts de m'étouffer face à ce reproche et avale mon morceau de fruit de justesse, avant qu'il ne passe de l'autre côté de la trachée. Putain, elle veut ma mort ou quoi ?! Ou peut-être qu'elle désire la sienne, car ce n'est pas une bonne idée de me lancer sur ce sujet.

— Tu te trompes sur mes intentions Ani, j'étais en train d'imaginer une nouvelle façon de lui arracher les tripes.

Ou plutôt de lui arracher des gémissements... Bordel, il faut que je me le sorte de la tête avant qu'il ne me fasse complètement perdre les pédales. Anita affiche une moue boudeuse, loin d'être crédule à mon mensonge. Elle glisse une main vers l'une de ses mèches rebelles pour la remettre en place quand ses yeux s'agrandissent, à tel point qu'ils vont bientôt s'extraire de leurs orbites. Flippant.

— Ennemi en approche ! Je répète, ennemi en approche !

Je n'ai pas le temps de tourner le regard que l'équipe de super-vilains arrive dans notre direction. L'un d'eux a envie de monter sur le ring de boxe ? Je suis leur homme ! Le troupeau de mâles en manque de distraction s'arrête à notre hauteur et nous dévisage. Crâne Rouge s'installe sur le bord de notre table tandis que le Joker se tient derrière Anita, ce qui a le mérite de la mettre mal à l'aise. Deux gars costauds qui portent un polo identique se sont également joints à la partie. Appelons-les Gru et Dru. Il ne manque plus que leur super capitaine Kilgrave pour parfaire le tableau. D'ailleurs, où est-il passé ?

— Vous comptez venir au feu de camp de ce soir ? interroge justement l'intéressé.

Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule gauche pour l'apercevoir debout, les bras croisés sur son torse, arborant une mine sérieuse alors que ses abrutis de potes nous lancent des regards étranges.

— Ça dépend, on risque de croiser vos tronches ?

Toujours demander les choses avec tact.

— Un peu Gabiii ! Tout le monde y sera ! réplique le Joker avec son éternel sourire narquois.