le corps

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il y a encore le canapé qui se moule au corps fade de ton fantôme.

tu sais, celui que tu trouvait laid pour ses motifs des années 70 et inconfortable à cause de ses nombreux ressorts qui traversaient le tissu délavé pour épouser la courbe tendue de ton dos.

je l'avais ramassé avec l'aide du propriétaire dans un vide-grenier il y a trois ans. il y avait des tableaux défraîchis, des pots de fleur fracturés, des lampes fumées, une grande table de bois embrassée de marques de cigarettes et une petite radio rouge pompier, portable, mais la glance était déchirée et l'antenne un peu croche. comme mon nez, je pensais.
mais tu l'aimais bien mon petit nez faucon, tu le trouvais mignon, ça fait ton charme et ça te rend unique. et ça, ça rend encore plus belle qu'un nez droit, tu disais quand tu me surprenais à me dévisager dans la glace les matins gris.

l'odeur de biscuit à la mélasse imprégnée dans le canapé, retiré dans le fond du petit commerce pour l'espace qu'il prenait, m'avait accroché. ça sentait mes mercredis d'été chez ma grand-mère, les mains dans la pâte à tarte ou à pain ou à biscuits beurrés. moi qui jouait naïvement dans son jardin parfumé, à décorer mes cheveux auburns autrefois -maintenant ternes- de couronnes de tulipes, minablement ficelées de mes doigts malhabiles.

tu t'en plaignais souvent, et à la blague, je te disais de ne pas en dire du mal ou tu dormirais dessus. j'préférais dormir dans la baignoire, tu rétorquais ironiquement. ça me pinçait le cœur à chaque fois.

tu ne dormais plus dans mon lit depuis des semaines.
et tout un coup, j'eu froid sous mes draps.

le spleen de l'archer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant