Tourbillon

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Cela me semblait faire une éternité que je regardais cette silhouette fantomatique. Et plus je la fixais, plus elle me semblait étrangère. J'esquissai un geste d'approche. Telle une marionnette, l'étrangère imita. Ses gestes étaient las. Je la dévisageai et ses yeux semblaient vouloir faire de même, quoique la tâche paraissait insurmontable. Au travers du voile qui recouvrait sa tête de sentiments contradictoires, délétères parasites, une faible lueur voulait résister. Cette flammèche, si fragile, était assaillie de toutes parts. Un vent glacial de déréliction s'abattait avec force, tournoyant autour du pantin. Il ne semblait pas tenir, emporté par le courant aérien et dévastateur. Ses yeux ne pouvaient pas m'atteindre. Je m'approcha du chaos, le contempla. Petit pantin de bois était faible, le vent allait l'emporter. C'est alors que je remarqua. La main articulée du petit jouet. Elle était refermée, sur quelque chose. Son poing s'entrouvrit, comme pour me laisser voir. Une lame, fine. Petit pantin voulait abréger l'agonie. Et je compris. Cela faisait trop longtemps. Petit pantin était las. Pas seulement de la routine, du travail, des autres. Petit pantin était las de lui. La brise, plus forte, resserra son poing, comme pour l'enjoindre au geste. Son bras s'éleva, telle une guillotine programmée. Simple spectateur du crime, je regardais. Ma peau me brûlait, le froid me mordait. Ma tête bourdonnait de mille sons, mille images. Mon sang battait dans mes veines, Mon cœur débordait. Il criait, je l'entendais. Nos cris se mêlaient. Mon âme m'hurlait de bouger. Et je ne pouvais rien faire. Mes pieds enracinés étaient comme transpercés de parts et d'autres de mille aiguilles aiguisées. Mon corps lâchait et était à la fois raide. Si raide, que mes muscles se tordaient, se tendaient à l'extrême. Petit pantin, le bras levé,  était dans sa bulle, j'étais dans la mienne. J'aurais voulu, tellement voulu lui faire entendre ma voix. Elle était coincée au fond de ma gorge, elle m'étouffait. Petit pantin, le regard vide. Le vent se fit violent. Le bras tremblait. C'était la fin. La boule d'émotions qui s'était formée dans ma gorge explosa. Mon hurlement frappa. Inhumain, bestial, déchirant. Il heurta mes tympans de plein fouet m'abasourdit. Petit pantin, ton bras se baissa d'un geste brutal. 

L'inconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant