Un pas, deux pas. Une volte, lente, élégante ; ses cheveux rouges semblables à de la soie, suivent ses mouvements. Un saut lors d’un do, un entrechat quand lors d’un mi. Les notes du piano s’enchaînent. Les vibrassions de l’instrument ont l’air de circuler dans le vieux plancher de la scène. Elles lui donnent l’impulsion qu’il faut. Erza est bercée par la mélodie qui gagne en intensité. Chaque nuance influence sa chorégraphie, sous le regard émeraude.
Elle est étincelante, oui, brillante, d’une blancheur de diamant. Portée par ses jambes puissantes, hissée sur la pointe des pieds cambrés, ployant son buste, Erza lève ses bras minces. Acrobaties et grâce dansante, volante, tournoyante, la voilà portée par le vent de la musique ; elle oublie tout, comme à chaque fois. C’est un autre monde, son monde, qui s’étale devant elle sur ses planches lisses. Elle s’aventure, se dépasse, se perd. Les notes du piano résonnent, l’emportent. La sueur glisse sur sa peau digne de la plus belle des porcelaines. Les muscles s’étirent, forts, et la foule retient son souffle. Le sien se perd, s’accélère, s’arrête un instant. Les dernières notes résonnent et l’électrisent, encore un peu, juste ce qu’il faut pour qu’elle relève la tête.
Le silence disparait, chassé par les paumes claquant l’une contre l’autre avec fougue. Les applaudissement remplissent la salle et gonflent son cœur. Un frisson et la fierté la rongent. C’est avec un sourire qu’Erza se met debout. Son dernier spectacle à un goût particulier ; celui d’un rêve qui s’achève, d’un accomplissement dévorant. Elle sourit tout en s'avançant vers le bord de la scène, rejoint par Gerald. Il boutonne le milieu de sa veste de costume. L’élégance qui émane de lui fait oublier la douleur de ses muscles éreintés. Sa main est chaude et grande, sa prise, elle, est ferme. Ils s’inclinent pour remercier les spectateurs continuant de manifester leur admiration, leur joie, leur stupéfaction.
Tout semble s’enchaîner si parfaitement qu’elle a peur que tout se s’arrête soudainement, brutalement. C’est loin d’être le cas ; sa dernière démonstration a fait le tour des réseaux, attirant les journalistes, redonnant un second souffle au studio de danse de sa ville natale. Elle n’a pas espéré mieux. Insuffler de la vie, de la passion et de l’espoir. Sa notoriété, jusqu’à maintenant, ne lui a pas apporté de la reconnaissance ni de l’affection, mais bien au contraire, de l’hostilité, de la jalousie et de la médisance.
C’est désormais différent. Le regard de ses élèves brûlent d’admiration. Ils aspirent à apprendre et à atteindre son niveau. Erza n’a jamais songé à enseigner, sa patience envers autrui n’ayant jamais été un point fort. Pourtant, lorsque Gerald le lui a proposé un midi, cette possibilité lui a semblé si logique. Alors elle a accepté sans même y réfléchir ; transmettre son savoir est quelque chose qui bien plus beau qu’elle ne l’aurait crû. Son exigence ne fait pas peur au plus jeunes, au contraire.
« Le studio n’a jamais été aussi populaire, glisse le jeune homme. »
La rouquine hausse les sourcils et tourne la tête vers lui. Ils sont assis par terre, contre le comptoir de l’accueil, en train de saisir les dernières données. Des feuilles les entourent et deux bouteilles d’eau, avec des restes de nourriture chinoise, jonchent le sol.
« Vraiment ?
— À ton avis, comment j’ai pu le racheter ? »Elle n’a pas imaginé cet endroit fermer ses portes, pas une seule fois. Peut-être par naïveté, parce que c’est ici que tout a commencé pour elle.
« Même si j’avais un pécule, je n’aurais pas pu garder le studio ouvert plus longtemps, murmure Gerald. C’est assez… dingue que tu sois revenu pile à ce moment-là. À croire que tu l’as senti.
— Ça montre que je te sauve souvent les miches aussi.
— Hé, tu ne peux pas remettre sur la table les péripéties de l’enfance ! Ça ne compte pas.
— Juste parce que ça t’arrange, se moque-t-elle
— Peut-être bien, oui. »
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Paris perdus
Fiksi PenggemarUne flopée d'OS commandés par une certaine Ally au don de voyance, après avoir gagné ses paris. Full Gerza.