Chapitre 3

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Vous avez déjà vu ceux qui volent par-dessus les bancs, les barrières, les grillages ? Ceux qui surmontent tous les obstacles ? J’en fais partie. Je passe par-dessus tout ce qui se dresse devant moi. Ça, c'est ma passion, celle qu’on appelle le Parkour. Utiliser l'environnement urbain pour mettre en œuvre l'art de se mouvoir. Oui, le déplacement est un art. Les infrastructures sont des tremplins vers la perfection. Affronter la ville est une magnifique occasion d’avoir ma dose d'adrénaline.

Je grimpe sur un toit et m'arrête pour scruter le lever du soleil et les couleurs qu'il laisse dans le ciel. Tant de beauté autour de nous qu’on admire si peu… Quel dommage de passer à côté de tous ces spectacles naturels et extraordinaires. Aucune création humaine ne peut égaler la pureté majestueuse de notre environnement.

Mon portable me tire de mes pensées. Chips essaye de me joindre depuis un petit moment. Il doit avoir peur que j’arrive en retard. En même temps, qui a envie de s’enfermer dans une salle quand il fait si beau ? Je lui envoie un rapide texto lui disant que je suis sur la route.  Mon entraînement quotidien étant terminé, je marche tranquillement en direction du campus pour prendre une bonne douche. Sur le chemin, alors que mon esprit divague et se perd dans mon imagination débordante, son visage apparaît. Un doux regard océan accompagné d’un sourire ravageur et surtout d’une voix unique. Je n’arrive pas à oublier cette mélodie si douce provenant de sa bouche. Et puis, les thèmes qu’elle a abordés dans ses chansons étaient trop touchants. Elle avait une telle innocence, une telle mélancolie dans ses textes. Et elle a réussi à partager des émotions si sombres avec sa voix… Elle m'a plongé dans un océan ténébreux. Je devrais éviter ce sentiment pour ne pas me noyer à nouveau mais j’ai ce besoin qui grandit en moi de l’entendre encore une fois. Comme si sa façon de chanter était une bouée qui m’empêchait de sombrer. Il faut que je la retrouve et que je l’écoute au moins une fois de plus.

J’arrive à l’université, avec mon nouvel objectif en tête. Chips me fait de grand signe à l’entrée. Je lui souris brièvement et passe devant lui, espérant qu’il ne me suive pas. Raté !

_ Alors ? Tu étais où ce matin ?
_ Je suis allé courir.
_ Tout va bien ? T’as une sale tête !
_ C’est le matin, j’ai toujours une sale tête…
_ C’était bien hier soir pas vrai ?

Il appuie sa remarque en jouant du coude. 

_ Tu as carrément flashé sur la rockeuse ! Un vrai gamin !
_ C’est toi qui parles ! Tu nous as emmené là-bas pour suivre des filles qui ne t’ont même pas remarqué.
_ C’est ta faute. Tu es beaucoup trop grand par rapport à moi et je passe complètement inaperçu. 
_ Trouve-toi une autre excuse pour ton manque de courage.

Il balance son poing dans mon épaule et grimace de douleur.

_ Tu devrais pas faire ça avec ce que tu as. 
_ Ce que j’ai ? Alors… ça veut dire que tu as écouté ce que je t’ai dis !
_ Ne prends pas la grosse tête non plus  !
_ Tu fais le dur mais en fait tu es un grand sensible. 
_ Ferme-la. 

On s’arrête devant un attroupement. La plupart des étudiants ont les yeux rivés sur les écrans de l’accueil.

_ Tu vois quelque-chose ? demande Chips. Qu’est-ce qui ce passe Eido ?

“Le cinéma du centre-ville gît encore sous les flammes de l’explosion. Les nombreux pompiers travaillent d’arrache-pied pour éteindre l’incendie et sauver le maximum d’individus. Pour l’instant, nous n’avons aucune information concernant le nombre de survivants ni sur la cause de l’explosion. Nous vous tiendrons informé tout au long de la journée…. “

_ Chips… Le cinéma a explosé…

Cette nouvelle déchire l’ambiance paisible qui règne habituellement. Les visages sont crispés, des tas de questions fusent dans la foule. Certains étudiants sont en pleurs à cause d’amis ou de famille qui devaient être sur les lieux au moment de l’accident. Soudain, un élément me revint en mémoire. Peut-être que ce n’est pas un accident ? Je prends rapidement mon téléphone et fouille mes messages. Je ne le trouve plus ! Pourtant, je suis sur de l’avoir bien reçu hier ! J’ai dû le supprimer… Je regarde autour de moi, énervé de ma bêtise. Au loin, je remarque une silhouette qui me fixe. Le rouge de ses cheveux est vraiment marquant. Elle me lance un clin d’oeil et disparaît. Je cours vers elle, laissant Chips tout seul dans la foule. Une fois arrivé là où elle se tenait, il n’y a plus personne aux alentours. Je deviens fou ou quoi ! J’avais déjà eu des “visions” de personnes que j’avais côtoyé auparavant. Des chimères appartenant au passé qui ne cessent de me poursuivre. Mais là, c’est différent ! Je suis sur d’avoir vu cette fille et d’avoir reçu ce texto me disant de quitter la ville !

GRIFFINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant