Chapitre 5

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J'ouvre les yeux et constate avec effroi l'épaisse obscurité autour de moi. Je n'arrive à rien discerner.  Soudain une lumière s'allume et les contours d'une pièce se dessine. Il fait froid et je n'ai rien pour me couvrir. Pire : j'ai les mains et les pieds liés. Je suis sur une chaise en plein milieu de cette pièce effrayante. Une ampoule s'éclaire au-dessus de moi et un violent coup de poing m'atteint en plein ventre. Un homme en débardeur se craque les phalanges et plaque un sourire maléfique sur ses lèvres. Puis les coups recommencent… encore et encore. Mais aucun son ne sort de ma bouche, je ne crierai pas… jamais ! Puis soudain une décharge électrique parcourt mon corps. Je convulse pendant quelques secondes qui semblent être des heures. Il arrête et se contente de me sourire. Il sort un pistolet et le braque sur mon front. Il mime un compte à rebours avec sa main, et appuie sur la détente.

***

Je me réveille brutalement, dégoulinant de sueur, apeuré par ce cauchemar. Un affreux sentiment me parcourt comme si ce rêve était un souvenir enfoui dans mes pensées. Je me lève difficilement, assoiffé... Mais au moment de me mettre debout, le sol se dérobe sous mes pieds et je m'écroule lourdement. Mon cœur se comprime et je peine à respirer... Je suffoque de plus en plus... Des larmes coulent sur mes joues sans que je m'en rende compte. Elles semblent creuser ma peau avec des lames émoussées. Elles pénètrent lentement mais elles déchirent tout sur leurs passages. L'air se raréfie... Je me bats avec moi-même, avec cette détresse enfouie au fond de mon être. Mais elle est beaucoup plus forte que moi... Seul un cri de désespoir sort de ma gorge, libérant alors mon esprit des entraves qui l'opprimaient. Puis, une fatigue emprisonne mon corps, un voile sombre se revêt sur mes yeux.

***

Des coups violents à ma porte me tirent de mon profond sommeil. Je me rends compte alors que je suis sur le sol. Les événements de la nuit me reviennent peu à peu, et j'essaye par tous les moyens de chasser ces souvenirs. A nouveau les coups retentissent et me tirent de ma torpeur. J'ouvre la porte et Chips rentre en trombe. Il n'arrête pas de faire les cents pas et sa vivacité me perturbe totalement. Comment peut-on être aussi vif quand on vient à peine de se réveiller !

_ Tu m'as laissé tout seul hier ! Avec qui je suis censé manger ou juste traîner ? Tu es vraiment horrible !
_ Tais-toi !
_ Mais …
_ Tu as vu l'heure ?
_ Oui. Si on ne se bouge pas on va être en retard en cours et …
_ Fermes-la deux minutes s'il te plaît. Je viens à peine de me réveiller et hier j'ai bossé jusque tard dans la nuit.
_ Tu as bossé ?
_ Oui. Au bar.
_ Ah ! Alors tu ne mentais pas. Ça va tu m'as abandonné pour une bonne raison. Mais allez faut qu'on y aille là. Prends tes…
_ Chips !

Il se met les mains sur la bouche pour s'empêcher de répondre. Je laisse un minuscule sourire paraître sur mon visage et commence à me préparer lentement. Il a déjà prévu le café et son impatience l'oblige à bouger dans tous les sens. Tant qu'il ne parle pas, il peut faire ce qu'il veut.

Au bout d'un petit quart d'heure, on se met en route. Chips est énervé, il ne supporte pas être en retard. Pour lui changer les idées, je lui raconte ma journée d'hier. Il semble être étonné que pour une fois je monopolise la parole. Mais j'avoue que ça fait du bien de communiquer avec des gens.

On arrive finalement devant la fac et on se sépare pour rejoindre nos cours. Alors que je marche tranquillement dans les couloirs, quatre gars m'encerclent, me volent mon sac et le vide par terre. Seul un stylo tombe et quelques feuilles se répandent sur le sol. Ne pas amener ses affaires en cours à quelques fois des avantages. Il ne faudra pas que j'oublie de le dire à Chips. Les étudiants devant moi sont paralysés par la débilité de leur acte inutile. Andrew apparaît un peu plus loin et nous rejoint, l'air interrogateur.

GRIFFINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant