Chapitre 2 . La soirée à la plage.

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Cette nuit-là, j'éprouvai bien des difficultés pour m'endormir. Je réfléchissais au pourquoi du comment. En me défendant contre ce type, dans ce bar, Mallory ne s'attendait pas à ce que son geste ait de telles conséquences : le mec grièvement blessé, la sentence, donc la fin des cours, et la fin de sa relation avec Julia.

La prison changeait les gens, même quand elle n'était pas de haute sécurité. Surtout les gens comme Mallory. Enfermé, écouté, regardé, dans l'impossibilité de communiquer avec moi par le biais de nos yeux, il avait ressenti ma propre liberté comme une trahison. Amplifiée par ce qu'il avait vu, vécu, subi.

Et si ... mon frère avait toujours été problématique ? Violent ? Notre lien avait-il agi comme un rideau dissimulant certains aspects de sa personnalité ? Il avait pourtant accepté mon homosexualité. Mieux, il l'avait comprise, bien avant moi, sans en parler avec des mots. Pas parce qu'il ne voulait rien en savoir. Parce qu'il savait que je ne voulais me consacrer qu'à Thomas et qu'à lui. Mallory était tolérant, aimant, compréhensif, mais il voulait aussi tout comprendre et maitriser ... à l'excès ? Il avait toujours tenu la famille à bout de bras, avec cette flamme dans les yeux. Cependant, ce que Mallory avait fait à ce type qui m'avait agressé, et qu'il ait dissimulé avec tant de force sa rancœur durant toute sa captivité, me laissaient désormais dans l'incompréhension la plus totale. Le lien gémellaire, en se diluant, m'avait fait réaliser que je ne connaissais peut-être rien de la psychologie la plus profonde de mon jumeau, celle que les barreaux avaient fait ressortir.

Je me raccrochais à mon lien avec Thomas, mais la balance, déséquilibrée, à demi sous les eaux, et d'où me fixait le regard mauvais de Mallory, menaçait de m'engloutir. Je m'éveillai plusieurs fois en sursaut et en ayant l'impression d'étouffer ou de me noyer.

Quand la nuit croisa le jour pour lui laisser la place, et qu'une aube incertaine se leva avec du brouillard, je décidai d'aller voir Thomas pour profiter du réconfort de sa présence. Je ne souhaitais pas lui parler pour le moment des menaces de Mallory. Parce que ça pouvait lui passer, une fois le stress lié à la prison évacué. Elle avait été un terrain favorable, où la violence, la dissimulation et le désir de vengeance s'étaient épanouis comme autant de mauvaises herbes. Le monstre enflammé en lui pouvait se rendormir. Mallory pouvait reprendre la mer, son navire arrimé au mien.

En partant si tôt de la maison, j'évitais ma mère et mon beau-père, qui se seraient inquiétés face à ma mine de déterré. Mallory était autorisé à se reposer autant qu'il le voulait, il pouvait dormir jusqu'à midi, ce qui m'arrangeait aussi, afin de ne pas le croiser.

Je me garai dans l'allée, devant la porte de Thomas. Il possédait sa propre entrée dans la propriété de ses parents. Les Hines avaient estimé qu'il gagnerait en confiance et en autonomie s'il avait une sorte d'appartement indépendant collé à la maison. Ils étaient effrayés, aussi, à l'idée de laisser leur garçon aveugle seul ailleurs. Alors ce qui avait été un espace dédié au sport était devenu le foyer de mon ami. Thomas m'ouvrit dès que je frappai.

— J'ai entendu ta voiture.

— Et toi, tu te lèves toujours aussi tôt, soulignai-je.

— Mais pas toi, d'habitude, fit-il observer en se poussant pour me laisser entrer.

Rien ne traînait, tout était rangé, afin qu'il ne tombe pas et garde ses repères. Je savais aussi que trop dormir lui faisait peur, parfois, et il soulevait vite les paupières en espérant revoir la lumière vive du matin.

— Je n'avais pas envie de croiser maman, Avery et encore moins Mallory, expliquai-je.

— Tu es perturbé, comme eux doivent l'être, énonça Thomas, tout en se dirigeant sans canne et sans hésitation vers son coin cuisine. Tu as déjà mangé ?

L'un est mon double, l'autre mon trouble, roman édité, 5 chapitres disponibles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant