« C'est Noël ! » s'exclame l'homme fourmi atomique. Il soulève le lourd pack de bières, le charge sur son épaule et se carapate en scred. Des fois que le bourgeois qui l'a oublié sur le trottoir ne revienne le chercher. Il tourne au coin, rue Bouteiller, où il n'y a pas de lumière, rase le mur nord jusqu'au boulevard Saint Estève où il reprend un pas normal. Si seulement il pouvait s'en faire une déjà... Un pack de 26, ça pèse un peu lourd pour un seul bras. Mais, l'homme fourmi atomique a soif. Et froid. Il pose le pack sur le banc d'un arrêt de bus, ménage un petit trou dans le carton juste assez grand pour une bouteille, décapsule d'un tournemain et repart avec le pack sous l'aisselle, vidant la première bière quasiment d'une traite. Hou, que ça fait du bien par où ça passe ! Il ferme les yeux un instant, laissant la bouteille vide tomber au sol. Il se serait cru un instant dans son sofa, la télécommande dans une main, en train de regarder une série bidon, sa bière-d'après-le-taf dans l'autre, la cuisse de Caroline contre la sienne, un grand soupir de soulagement à la bouche, qui évacue d'un seul coup le stress de la journée. Il rouvre les yeux. Non, il est toujours bien dans la rue glacée.
Le boulevard est éclairé de mille feux bien que tous les magasins soient fermés. Ils retireraient les guirlandes dans quelques jours. À neuf heures du soir le 24 décembre, il n'y avait que les SDFs et les chats de gouttière dans la rue. La deuxième bière décapsulée, il reprend son chemin vers Vermillon où son camp est installé. La première gorgée vide la pauvre petite bouteille de moitié. Quand ses yeux retombent sur la rue, il est face à Caroline. Il sursaute. Non, c'est juste un poster publicitaire avec une fille qui ressemble beaucoup à Caroline dessus. L'homme fourmi atomique tremble d'un frisson qui ne doit rien à la température. Il prend une tangente rue Lepic. Le boulevard a trop de pubs et les décorations de Noël le dépriment de toute façon. L'image de Caroline ne le quitte pas. Il a même l'impression de sentir son odeur. Probablement une parfumerie du boulevard qui vend son parfum. Il n'a pas pensé à elle depuis une éternité, se dit-il en terminant la bière. L'impression de sa présence s'évapore. Il décapsule la suivante machinalement et, à la première gorgée, c'est comme si elle marchait à côté de lui. Il ferme les yeux, imaginant qu'il lui prend la main, que tout est oublié. Il imagine qu'il se tourne vers elle, qu'ils s'embrassent, qu'il sent ses lèvres chaudes contre les siennes, son corps contre le sien. Il rouvre les yeux. La bière est vide. Quelle idée de faire de bouteilles si petites ? Il dévisse la suivante et continue à rêver de Caroline pendant encore trois coins de rue et quatre bouteilles. Il commence à être bourré, il ne sent plus le froid, c'est trop bon d'être avec elle un moment, même si c'est en rêve. En plus, plus il boit, plus ça allège le pack. Par contre, il se dit en finissant la énième, sa vessie est au bord de l'explosion. Et pas une congère à faire fondre en vue... Ah oui, il n'a pas neigé ce Noël... Par contre qu'est ce qu'il a plu ! Il n'y a plus un carton de sec pour dormir dessus dans toute la ville. Demain, par contre, ça va être la fête du carton ! Avec tous les bourges qui vont balancer l'emballage de leur nouvelle télé HD... Il se cale entre une poubelle et une gouttière, ouvre le pantalon, et ouvre les vannes. Il fait froid quand même ! Ça fait un de ces nuages de vapeur ! Il se reboutonne d'une main et dévisse une capsule de l'autre. Où est-il rendu ? Oh putain ! Oputain-oputain-oputain ! Il s'envoie une bonne lampée pour se calmer.
Ses pas l'ont mené rue du Lieutenant Beauprès. Il vient de pisser sur la poubelle du local de son ancien taf ! Comment il a fait pour ne pas s'en rendre compte ? En plus... Oh merde ! La lumière est allumée ! Il fronce les sourcils. Le soir de Noël ? C'est quoi ce bordel ? Il fait le tour, passe sous l'enseigne « Garage Lallemand » et s'approche en catimini du carreau de l'atelier. Son atelier...
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L'Incroyable Noël de l'Homme Fourmi Atomique
RandomL'homme fourmi atomique se surnomme comme ça depuis qu'il habite rue du Carton sous les Ponts. Comme l'année dernière, il se gèle le cul dans les rues de la ville pendant que tous les caves sont au réveillon de Noël. C'est alors qu'au détour d'une r...