Minuit, l'heure du crime

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Il avait sacrément dévié, et se retrouve en pleine Velaisière. Un quartier de bourges à au moins deux kilomètre de son camp. Pas grave, son pack devrait tenir jusque-là. Il navigue un moment entre les maisons aux hauts portails à pointes derrière lesquels sont probablement garés leurs 4x4-de-villes et leurs coupés. Pas qu’il puisse y voir, mais il suppose. En passant devant un portail ouvert, il se dit qu’il va pouvoir vérifier. Mais les voitures doivent être garées sur le côté. Le portail donne directement sur la façade de la maison aux larges fenêtres à double-vitrage. L’homme fourmi atomique s’arrête à la vision du sapin. Quand il était petit, il y avait eu un sapin exactement comme celui-là chez lui. Avec des cadeaux dessous. Et, à minuit, lui et ses sœurs s’étaient jetés dessus… Il reste rêveur un moment à essayer de se rappeler de ce Noël.

Dong… dong… L’homme fourmi atomique tourne la tête vers la cathédrale dong… dong… Vers la maison à nouveau. Les enfants sont en train de se ruer sur les cadeaux ! Il est minuit ! L’homme fourmi atomique fait quelques pas automatiques vers la grande baie vitrée. dong… dong… Il passe le portail sans s’en rendre compte. Le papier cadeau vole en lambeaux, deux parents se tiennent juste derrière eux en tapant des mains, comme ses vieux avaient fait à l’époque. Qu’est-ce qu’il avait reçu ce Noël là, déjà ? Le garçon se relève avec une grosse boite noire entre les mains et un sourire jusqu’aux oreilles. La boite est rapidement réduite en charpie et le garçon s’attaque maintenant aux papiers d’emballages intérieurs. Ah Oui ! Ça y est ! Il se rappelle ! Il avait reçu… « Optimus Prime ! Merci Papa ! Merci Maman ! » Les mains de l’homme fourmi atomique se mettent à trembler. Il sort une nouvelle bouteille en la cognant à toutes celle qu’il restent. Mais les bourges ne tiquent pas. Le double-vitrage, c’est pas de la camelote. Le petit garçon s’est jeté dans les bras de ses vieux et la petite fille s’écrie quelque chose aussi que l’homme fourmi atomique n’entend pas, avant de se jeter dans la boule d’amour hystérique qui s’est formée au pied du sapin. Qu’est-ce qu’il avait pu jouer avec ce Transformer ! Ç’avait été son robot préféré pendant des années. Jusqu’à ce qu’il passe aux pétards, en fait. Il étouffe ses sanglots avec trois grosses gorgées mousseuses. Il pense qu’il ne pourrait pas être plus heureux et malheureux en même temps, quand une cinquième personne se joint à la fête à petits pas. La Grand-mère. L’homme fourmi atomique étouffe un râle et s’enfuit en courant avec son pack cliquetant sous le bras. C’est sûr qu'il est grillé là.

Il finit sa bière d’une traite et en sort une autre qu’il finit aussi vite. Le noël où il avait reçu le Optimus Prime, ç’avait aussi été le dernier Noël de sa Grand-mère. La seule personne qui l’avait vraiment aimé, et qu’il avait aimé vraiment. C’est après sa mort qu’il avait commencé à mal tourner. Sa chère Grand-mère, qui lui avait dit, sur son lit de mort, qu’il ne fallait pas qu’il pleure, parce qu’elle allait monter aux cieux, et qu’elle viendrait le voir de temps en temps sous la forme d’une étoile filante. Depuis ça, il ne pouvait pas en voir une sans fuiter une larme.

Il fouille dans son pack presque vide pour en sortir l’avant dernière bouteille, qu’il manque d’éclater contre un réverbère tellement il ne tient plus debout. Il passe le pont sur la voie ferrée en sanglotant. Et de l’autre côté, c’est son quartier. Il n’est plus loin.

L'Incroyable Noël de l'Homme Fourmi AtomiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant