L'Incroyable Noël de l'Homme Fourmi Atomique

Garage Lallemand

Incroyable ! Les gars sont là ! Sélim est en train de se décrocher une sélection de clés plates, et les jambes de Greg dépassent de sous un coupé A4 dépiauté jusqu'à l'os. Qu'est-ce qu'ils font à cette beauté, ces saligauds ? N'écoutant que son taux d'alcoolémie, il pousse la porte : « Quèque vous foutez bande de branleurs ? »

Sélim se retourne en sursaut, il lâche une poignée de clés qui rebondissent dans tous les sens en faisant un boucan d'enfer. La voix étouffée de Greg n'est pas longue à suivre : « Ben quoi Sélim ? T'es bourré ?

- Ferme ta gueule et sort de ton trou, tu ne vas pas croire qui est à la porte. »

L'homme fourmi atomique reste planté là un moment en se demandant s'il n'a pas fait une connerie. Quand il s'est fait virer, ça ne s'est pas passé dans la douceur. Si Jean-Michel...

« Ma vieille couille ! » s'écrie Greg. Son visage est maculé de graisse. Il se précipite vers lui, Sélim aussi, et c'est l'embrassade à trois. « Si tu savais comme tu nous manques ! - On n'arrive plus à tenir le rythme depuis que t'es parti. - Tiens, pisque t'es là, tu veux pas jeter un coup d'œil ? » L'homme fourmi atomique en a les larmes aux yeux. Rectification : il pleure comme une gonzesse. Sélim et Greg font semblant de ne pas remarquer : « Téma, y a un problème entre la pompe à injection et le cylindre, c'est tout ce que je sais. J'ai tout démonté, nettoyé et remonté, et cette pute-à-merde me fait toujours le même problème. Attends voir que je...

- C'est électrique, pauvre con ! » Même avec ce qu'il a dans le nez, le problème lui parait évident. Il décapsule trois bières et leur en met une chacun dans la main. « Les pompes modernes sont commandées par un putain de logiciel. Si le logiciel plante, t'as l'impression que le circuit d'injection est bouché, mais il suffit de reflasher la puce et ça repart. »

Sélim lâche un long sifflement. Greg laisse pendre sa mâchoire un moment. « Fils de... » Un grincement familier retentit. L'homme fourmi atomique se raidit comme une planche. La porte du bureau. Jean-Michel ne peut pas être là un soir de Noël quand même...

Ben si. L'homme fourmi atomique se redresse et toise le fils de chien qui l'a foutu à la porte comme un malpropre. Il ramasse son pack à moitié vide et il ne sait pas s'il va sortir en claquant la porte ou lui balancer sa bière à la gueule ou... Sélim interrompt sa réflexion : « Jean-Mich, t'inquiète pas il est juste passé nous filer un coup de... - Ta gueule Sélim. » le coupe Jean-Michel. Il s'avance vers l'homme fourmi atomique d'un pas rapide et convaincu. Comme s'il voulait se battre. L'homme fourmi atomique n'attend que ça. S'il le cherche, il va le trouver. Mais ce connard s'arrête hors de portée : « T'as fini par lire tes emails ?

- Qu'est ce que tu racontes ? C'est tout ce que t'as à dire au bout d'un an ?

- Oh... Tu n'as pas lu tes emails alors ? Et les messages que je te laisse ? Et les lettres ? »

L'homme fourmi atomique le regarde sincèrement de travers maintenant : « Dis-moi n'imp encore une fois et je te jure, je t'en colle une. »

Jean-Michel recule d'un pas : « Houla ! Du calme mec. Je sais que c'est pas cool ce que j'ai été obligé de faire l'année dernière. Mais avec l'activité qui reprend et le fait que t'es un des meilleurs avec qui j'ai travaillé, ça fait un mois que j'essaye de te contacter pour voir si tu ne veux pas retrouver ton poste. T'as vraiment rien reçu ? »

L'homme fourmi atomique est stupéfait. Il a presque envie de l'embrasser. Mais il ne faut pas oublier que c'est un connard et qu'il l'a viré comme une merde et... « Remarque, je comprends si t'es trop vénère, ou que t'as trouvé mieux... Mais j'attendais ta réponse avant d'embaucher quelqu'un d'autre. On n'arrive plus à suivre ici. Demande leur.

- On lui a déjà dit, Jean-Mich.

- Ben penses-y et réponds-moi avant le nouvel an, quand même. Parce que j'ai du monde sur la corde à linge. » Il lui glisse une carte dans la poche de sa veste toute pourrie.

Trop petit pour dormir dessus, il pense automatiquement. Sans rire, sans carton, on se les pèle grave. Dormir à même le sol, ça vous glace en moins de deux. Il reprend ses esprits : « Je sais pas... Je repasserai. » Il titube jusqu'à la porte, se retourne presque pour lui filer une bière. Qu'est-ce qu'il fout là un soir de Noël ? Trop tard pour demander. Il claque la porte derrière lui, groggy, s'ouvre une nouvelle binouze en zigzagant dans la nuit. Qu'est-ce qu'il fait faim ! pense-t-il en entamant sa nouvelle victime.

Le temps qu'il la finisse et qu'il attaque la suivante, il tombe sur une mine d'or.