POV ZEE
- Fait chier.
Je suis comme un con devant le passage pour piétons, essayant de deviner si le feu tricolore est rouge ou vert. J'avais oublié que contrairement aux grandes villes, ici il n'y a pas d'indication sonore pour m'informer si je peux traverser en toute sécurité ou non. La rue est petite, c'est certain, mais j'hésite à avancer. Il suffirait d'un chauffard un peu alcoolisé pour que je finisse bêtement sur le capot de sa bagnole. Mais en même temps je veux juste aller acheter à boire parce que je meurs de soif et que mes parents ont décidé d'élire domicile dans la boutique de déco juste derrière moi.
Ça m'agace d'être à nouveau dépendant d'eux, tout ça parce que ce putain de village de pécores n'a pas jugé bon de mettre leurs installations aux normes ! Je décide de tendre l'oreille, attentif au moindre bruit, quand finalement je me décide d'avancer lentement, il n'y a rien de pire que de se précipiter et de risquer de tomber sur cette chaussée mal entretenue. Mes parents m'ont bien indiqué que le petit magasin était juste en face donc ça devrait aller, de toute façon il va bien falloir que je regagne un peu en autonomie.
J'arrive enfin sur le trottoir, soulagé de ne pas être mort au passage, et m'approche lentement de l'enseigne tout en tâtonnant jusqu'à trouver la poignée de la porte. A peine à l'intérieur, l'air frais renvoyé par le climatiseur me fait soupirer d'aise. Quel bonheur après cette fournaise que je viens d'endurer.
- Je peux vous renseigner ? me demande la voix éraillée d'une femme devant avoir la cinquantaine ou le soixantaine.
- Je souhaiterais une bouteille de coca s'il vous plait.
- Je vous cherche ça tout de suite.Je suis la direction de la voix et rencontre le comptoir. Je fouille dans mon sac à la recherche de mon porte-feuille quand la dame revient et me précise le prix. Je paie rapidement et gagne la sortie, content d'avoir enfin fait quelque chose tout seul. Ça faisait longtemps.
- Zee ?
Je reconnais tout de suite cette voix qui m'accompagne maintenant depuis une bonne semaine. Je tourne légèrement la tête pour montrer que je l'ai entendu et le laisse tranquillement venir à moi.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu es tout seul ?
Son ton empressé me fait sourire intérieurement, tout comme son parfum de Fleur d'Oranger reconnaissable à des kilomètres.
- Mes parents ont été engloutis par le magasin d'en face et je mourrais de soif, je lui réponds en avalant d'une traite la moitié de la bouteille.
- Oui c'est vrai qu'il fait atrocement chaud aujourd'hui, j'en serais presque content de devoir travailler à la boutique plutôt que chez toi cet après-midi.Ils nous avait informé la veille que son frère avait une urgence et ne pouvait ouvrir le magasin, demandant ainsi à mes parents s'il pouvait s'absenter une demi-journée. Bien entendu ils ont accepté, je crois que ma mère a vraiment un faible pour lui, elle ne cesse de nous rabattre les oreilles sur sa politesse, son professionnalisme, son amour des plantes et son charmant sourire. A force de l'écouter répéter ses qualités en boucle j'en suis même venu à me demander à quoi pouvait bien ressembler son fameux sourire.
- Tu en veux ? je lui demande en lui tendant la bouteille. Il n'en reste plus beaucoup, tu peux la finir.
- Tu... Tu es sûr ? bredouille-t-il visiblement surpris.Je hausse un sourcil et insiste en collant la bouteille à son torse. Il a une nette tendance à se décomposer dès que je lui propose quelque chose, on a beau prendre tous nos repas ensemble, il continue de réagir ainsi.
- Me... Merci, marmonne-t-il en s'en emparant tout en effleurant mes doigts au passage.
Je ressens l'envie d'amener ma main à mon visage pour voir si elle sent la fleur d'oranger mais je me retiens in extremis. Il trouverait vraiment ça trop étrange je crois. Je préfère me concentrer sur le son du liquide qui coule dans sa gorge avec rapidité. Je n'arrive pas à déceler quelle est la distance qui le sépare de moi, je crois qu'il a reculé de quelques pas après avoir pris la bouteille de ma main. Ça m'énerve de ne pas savoir alors je fais un pas en avant, puis encore un autre, et encore un autre.
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In the shadow of your eyes [Édité]
FanficZee est aveugle depuis l'âge de 9 ans, il est aussi un pianiste exceptionnel. Mais Zee, la musique, il ne souhaite plus en entendre parler. A 27 ans, il est retourné vivre chez ses parents et décide de déménager avec eux dans le sud du pays, dans un...