1 - G.

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T'as pas idée à quel point tu as pu changer mon point de vue sur la vie et tout ce qui nous entoure. J'étais perdu dans l'obscurité et tu m'as apporté tellement de lumière... D'ailleurs ça m'a aveuglé au début et j'ai pris peur. J'étais persuadé que c'était un piège, que t'allais en profiter pour me briser. Mais tu l'as pas fais. T'es la seule personne qui ne l'a pas fais. J'ai jamais compris pourquoi. Après tout le mal que j'ai pu te causer, tu n'as jamais voulu te venger. C'est sûrement pour ça que je t'ai aimé.
Jamais je ne te remercierai assez pour tout ce que tu as fais pour moi ; pour tout ce que tu m'as apporté. T'es probablement passé à autre chose. Tu te souviens peut-être même pas de moi. Peut-être ais-je été pour toi qu'un paragraphe là où tu as été tout un chapitre. Je sais que je me suis foiré. Et en beauté en plus. Mais tu me manques toujours un peu plus à chaque lever de soleil et je pense à toi à chaque fois qu'il se couche. Pour être honnête avec toi, j'ai jamais été capable de t'oublier et de continuer à vivre ma vie de mon côté. Tu sais pourquoi ? Parce que tu m'as ramené à la vie. Sans toi, j'ai plus rien. Alors tu vas me demander "pourquoi t'es parti ?" et je te répondrais certainement une connerie du genre "pour te manquer" pour t'emmerder un peu et te faire sourire parce que je ferais n'importe quoi pour voir ton sourire une dernière fois. Je sais pas trop ce que j'attends de tout ça. Tu sais que je n'attends rien de personne pour ne pas être déçu mais j'ai ressenti le besoin de t'écrire, à toi, la seule et l'unique. Peut-être qu'au fond j'espère que tu la lira et que tu m'accordera ne serait-ce qu'une demi seconde de ton temps...
Je donnerais tout pour te revoir.
Guillaume.

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J'ai chiffonné la lettre avant de la déplier de nouveau. Mes yeux se posèrent sur son nom. Mon cœur qui battait la chamade me faisait vivre un enfer. Trois ans se sont écoulés depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Trois ans qu'il a disparu. Et, sans jamais vraiment comprendre pourquoi il tenait tant à partir, je l'ai laissé faire, persuadée qu'il ne reviendrait pas. Nous étions encore jeunes, presque des enfants, nous ne nous étions rien promis à part d'être toujours là l'un pour l'autre, comme une famille. Promesse qu'il avait décidé de briser avec son égoïsme.

J'avalais durement ma salive et mes yeux se posèrent sur l'homme devant moi qui me regardait avec interrogation, les bras croisés.

"Tout va bien ?"

"Oui."

"Tu es sûre ? Tu n'en a pas l'air."

"C'est rien. T'en fais pas."

Je chiffonnai de nouveau la lettre avant de la jeter à la poubelle. J'approchai l'homme et lui déposa un baiser sur la joue avant de sortir de la maison et d'allumer une cigarette. Il me suivit et s'installa en face de moi, appuyé contre le rebord des escaliers en pierre.

"Tu sais que tu peux me parler."

Je ne répondis pas et tira une taffe. Soudain, je me souvins de son odeur. De la douceur de ses mains parcourant mon visage ainsi que le reste de mon corps. Je frissonnai et me forçais à ne pas y penser.

"Camille."

"Ce n'est pas important."

"Si ça te met dans cet état, si, ça l'est. Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?"

Je posai mes yeux sur lui. Lui, que j'avais appris à aimer après m'être fait détruite par un autre. Lui, que j'avais appris à faire confiance et à qui je pouvais me confier sans craindre l'abandon...

Pourtant je n'avais jamais pu lui parler de Guillaume. Cela me causait bien trop de peine.

Il savait que j'avais été lâchement abandonnée et que ma dernière relation m'avait beaucoup marqué, autant dans le positif que dans le négatif. Mais c'est tout.

"C'est juste une lettre que je ne pensais pas recevoir un jour."

"Une bonne ou une mauvaise nouvelle ?"

"Je n'ai pas encore décidé..."

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Je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit. Elle l'a lu. Je le sais. Je le sens. Tout comme je sens qu'elle ne reviendra pas. Quel imbécile je fais. C'était évident.

Comment peux-tu disparaître autant de temps et espérer revenir comme si de rien n'était ? Le monde continue de tourner, que tu sois là ou pas. Mais comment faire quand ton monde tourne sans toi ?

Je tourne dans tous les sens dans mon lit, impossible de trouver le sommeil. Elle occupe mes pensées et ne les a jamais vraiment quitter. 3h30 du matin, je décide de me lever et d'aller me balader. J'allume un joint, marchant vers la plage, à seulement quelques mètres de chez moi. C'est le meilleur spot pour se poser et réfléchir ou, au contraire, ne plus penser à rien. Je m'installe sur le sable. Le bruit des vagues m'apaise. Je lève les yeux au ciel. Les étoiles se sont toutes données rendez-vous pour se moquer de ma pathétique petite personne.
Je tire sur mon joint.

"Tu partages ?"

Je tourne la tête à gauche et mon cœur s'emballa. Par fierté mais aussi par une timidité qui m'a paralysé, je lui tendis juste mon joint sans rien dire.

"Je savais que je te trouverai là."

Elle s'installa à côté de moi et prit mon joint avant de tirer dessus.

"T'aurais pas dû revenir." dit-elle avant de poser enfin ses yeux sur moi.

Mon cœur se fissura. Je ne su pas quoi répondre et baissa la tête, enfouie sous mon bonnet.

"Qu'est-ce que tu veux ?" demanda-t-elle.

Je levais la tête vers elle en fronçant les sourcils.

"Pourquoi tu crois que je veux quelque chose ?"

"Parce que tu ne serais pas revenu si ce n'était pas le cas."

Elle me redonna le joint.

"Et toi, qu'est-ce que tu veux ?"

"Ne changes pas le sujet, Gringe."

"Tu aurais pu ignorer ma lettre. Au lieu de ça, tu es là. Avec moi."

Elle leva les yeux au ciel, exaspérée.

"Je suis venue pour comprendre ce que toi tu fais là."

"Je suis désolé."

"Ca ne suffit pas."

"Je sais. J'en ai conscience. Mais c'est la vérité. Je suis désolé."

Je pris une nouvelle taffe avant de me racler la gorge. Mon cœur battait à deux cent à l'heure et une gêne s'était installée dans mon estomac, comme si j'allais vomir mes émotions.

"Je voulais te revoir. Je voulais ressentir ce que j'ai éprouvé pour toi la première fois que je t'ai vu. Ces picotements dans les mains. Ces papillons dans le ventre. Ce sentiment de plénitude, de paix intense. Cette impression d'être constamment en train de voler, d'être sur un nuage quand tu pose tes yeux sur moi. Je pense pas que tu comprennes ou que tu puisse t'imaginer ce que tu me fais, là, à l'intérieur." dis-je en posant ma main sur mon cœur.

"Alors pourquoi t'es parti ?"

"J'avais besoin d'être seul. Je sais plus où j'en suis. Il y a tellement de questions que je me pose, j'suis en train de me noyer. Mais m'éloigner de toi... Ça m'a fait dériver encore plus."

Elle pouffa avant de regarder l'horizon. Un silence s'installa entre nous laissant le bruit des vagues omniprésent.

"T'as pas besoin d'une bouée de sauvetage." dit-elle en soupirant. "T'as besoin d'un psy."

Je posais mes yeux sur elle. Trois ans se sont évadés. Trois ans et avec eux, son amour pour moi. Je le sentais au plus profond de mon âme. Pourtant, je ne lui ai pas posé la question. Sûrement parce que j'avais peur de sa réponse. Peur d'avoir raison. Peur d'être revenu chercher un amour qui n'existe plus que dans mes souvenirs. Elle avait changé en trois ans. Comme le Phoenix, elle a su renaître de ses cendres... du feu que j'avais allumé.

Le mal est faitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant