Je déteste la mer. Elle envoûte par sa façade de cristal qui brille et danse comme une voile transparente parcourue par des milliers d'étoiles. Et par de là ce décor lyrique se cache un autre monde. Un monde froid, inconnu et dévorant tapis dans l'ombre de ses fonds. C'est cette duplicité qui m'a toujours répugné.Malgré ça, la sensation de mes pieds nus sur le sable ne m'a jamais déplu. Ainsi, je me baladais sur la plage, les sandales en mains et à une distance raisonnable de l'eau.
Mon amour pour l'histoire est la seule raison de ma venue. J'ai affolé quand on m'a informé dans le plus grand des secrets qu'un immense site antique a été découvert dans mon pays. Un site qui date de bien avant Athènes, les grandes pyramides et même Stonehenge.
Les fouilles seront financées par l'État lui-même. Ils avaient donné la supervision des fouilles à la faculté d'histoire notre université. Bien entendu, quand ils m'ont proposé de faire partie de l'équipe en charge des fouilles, j'ai automatiquement accepté. Une telle opportunité ne se présente pas deux fois. Ils avaient eux-mêmes sélectionné les étudiants en histoire, soi-disant pour les discussions, et nous ont fait signer un contrat de confidentialité pour je ne sais quelle raison. Ils insistaient vraiment sur le fait de tenir le secret.
En tout on était 49. Nous tous étions impatients. Faire revivre une histoire ensevelie il y a des milliers d'années provoquerait l'excitation de tout archéologues. D'autant plus que d'après la datation thermique des quelques objets qu'on nous a envoyés montrait que les reliques avaient été fabriquées il y a plus de 12000 ans.
Cela déclenchera une euphorie générale une fois la nouvelle rendue publique. Jamais au paravent une bâtisse aussi complexe et aussi ancienne n'avait été découvert. Qui plus est en Afrique !
Un truc clochait cependant. L'île où devait se passer les fouilles avait mauvaise réputation. À ce moment, je ne saisissais pas la raison. J'ai vu au préalable des photos du paysage. La géographie de ce bout de terre était hors du commun. Cette partie de la côte était parcourue de gigantesque dent au forme extravagante qui interdisait tout navire d'accoster. Nulle part au Sénégal on apercevait un aussi beau décor.
Il est difficile de cracher sur cet oeuvre d'art. Même quand je demandais aux gens, les réponses jonglent entre esprit démoniaque et malédiction. Plus tard, j'ai appris que la raison en est qu'un mystère qui plane sur cette île n'a jamais été résolu.
Le 11 janvier 1890, Gorée comptait 134 habitants. Mais lors de cette nuit, des gens sur terre affirmait qu'une partie de l'île s'était écroulée dans la mer. Ce qui agitait les vagues jusqu'au large des côtes. Plus tard dans la même soirée, des témoins rapportent qu'un rouge brûlant émanait derrière les habitations. Comme si un immense incendie dévorait la partie arrière de l'île. Le lendemain, lorsque des officiers se sont rendu sur place, l'île était dépeuplée et un feu s'était effectivement déclaré réduisant une bonne partie de l'île en cendre. Une enquête a bien été lancée par la suite mais elle ne fût pas concluante.
Depuis, personne n'y vivait jusqu'à la construction d'une base militaire en 1941. Base qui fût abandonné peu de temps après la fin de la deuxième grande guerre à cause du "mal-être" que ressentait les soldats qui étaient restés trop longtemps sur l'île.
Après avoir eut connaissance de cette histoire, je compris la terreur et l'aversion qu'inspire Gorée. Pour moi-même la sérénité quitta momentanément mon esprit et la même réaction se reproduisait sur mes collègues.
Toutefois ceci remonte il y a plus de 80 ans. Il n'y avait plus rien à craindre. Les gens s'accrochaient toujours trop à leurs peurs lointaines... C'est ce que je me disais. Mais une fois arrivé sur les lieux, la raison de son inhabitation devenait évident.