3/3

35 3 1
                                    

Danny sourit toujours, et lorsqu'il s'avance nonchalamment vers son adversaire, la surprise passée, ce dernier se met à hurler et se rue en avant. Le mélange de peur et d'adrénaline explose à cet instant, et le public également.

Ludo veut saisir l'avantage tout de suite, finir le combat rapidement, même s'il s'est entraîné longtemps et s'est préparé à un long combat. Il est presque sur son adversaire lorsque ce dernier esquive cette approche grossière et le pousse par l'épaule. Pourtant entraîné, il trébuche et tombe comme le font les enfants de cet âge, de manière vive et maladroite en roulant sur lui-même comme si ses articulations n'existaient pas.

Les deux prénoms sont scandés à parts égales de toute part dans le public, mais un petit groupe se met à hurler sa déception devant cet amateurisme.

Une fois au sol, la main fermée sur le manche de son arme, des éclairs sortent de ses yeux. Hué par quelques uns, il est vexé au plus haut point, à terre dès la première attaque, humilié par un gabarit beaucoup plus svelte que lui et sans arme qui plus est.

Tentant de maitriser cette vaine colère, il se relève, puis montre un effort de concentration comme pourrait le faire un enfant de six ans avant de réciter son poème au tableau devant sa classe.

Les spectateurs sont tous debout, scandant toujours les deux prénoms en choeur. Ils attendaient un combat long, mais sachant que le combat ne pourra durer longtemps dans ces conditions, ils savourent chaque seconde du spectacle.

Lorsqu'il plonge cette fois sur son opposant en traversant sa garde, le geste est beaucoup plus adroit. Chacun de ses muscles est tendu vers sa cible qui n'a pour toute réponse qu'une amorce de mouvement d'esquive.

La foule retient soudain son souffle.

Le sang coule immédiatement de la blessure. Danny arbore pourtant toujours un sourire, tout autant désarmant que le geste effectué au passage du couteau le long de ses côtes. Tout est allé trop vite. En un instant, sans que l'on comprenne immédiatement comment, Ludo est à nouveau à terre, hochant la tête de gauche à droite comme pour retrouver ses esprits. Derrière lui se trouve Danny, le poignard de son adversaire, un large filet de sang coulant maintenant le long de son petit abdomen.

Le public frémit puis hurle alors son contentement pendant que le présentateur mime la surprise, surjouant son rôle sachant qu'il est filmé.

- Je t'avais dit de changer de chaîne, bordel, tu peux pas m'imposer ça.

- Je… j'ai retrouvé où… cette femme… je…

Douguie revient se coucher sur un Thomas à moitié hébété, dont la tête va de l'écran à Léa.

Danny a profité des quelques instants de flou pour se mettre sur Ludo, lui bloquant le bras gauche avec sa jambe droite et lui maintenant fermement le droit avec son bras gauche.

- C'est une ex ?

- Non… tu n'y es pas du tout… c'est une… patiente… c'était…

- De la clinique ?

- Un de mes premiers dossiers il y a sept ans.

Levant son poignard au dessus de son adversaire visiblement vaincu, Danny montre qu'il veut les acclamations de la foule. Il est le vainqueur et veut que ça s'entende. Ludo tente de se débattre pour se défaire de son emprisonnement.

- Affaire classée alors, change de chaîne !

- C'était un dossier un peu… particulier…

Lorsque le poignard s'enfonce entre les côtes de Ludo, le public est en délire le plus complet. Seul le nom de Danny est scandé à présent. Da-nny-Da-nny-Da-nny… C'est déjà une star. Le pari est réussi et il est déjà immortel. Ludo n'a jamais existé. Sa mère a les larmes aux yeux, elle cherche le regard du public, montre son fils, puis se tape la poitrine. On devine qu'elle crie que c'est son fils.

- Seigneur… peut-il y avoir plus abject…qu'est-ce qu'il avait de particulier ce dossier ? Ce n'était pas une simple insémination ?

- Non, elle voulait louer huit couveuses. Ce n'était pas possible, les lois étaient claires… mais elle m'a supplié. J'ai du intervenir… j'étais nouveau… elle a profité de moi… elle…

Pour Danny, la délectation n'a pas de limite. Il ressort le couteau du corps déjà inerte de son opposant. Il le lève à nouveau au dessus de sa tignasse blonde, le même sourire ornant son visage toujours aussi innocent. Des gouttes de sang coulent sur sa frange et sur son visage. Il ferme les yeux comme s'il était ailleurs.

- Mais elle a dit qu'il était fils unique… qu'est-ce que… comment…

- Je… j'ai peur que… putain mais qu'est-ce que j'ai fait…

Au moment où le poignard perfore le crâne de Ludo, Danny ne montre aucune émotion. Cette méticulosité, il l'a travaillée, tout ceci est mérité. A chaque fois, cela avait été un peu plus facile. Aucun de ses frères ne faisait le poids et ils étaient pourtant son équivalent, alors ce… "Ludo". A chaque fois, le couteau était entré plus facilement que la précédente dans le crâne de ses frères, alors comment ce melon atrophié, pourri, difforme, pourrait lui résister aujourd'hui ? Et demain ? Après cette huitième victoire, qui pourrait vraiment l'arrêter dans sa catégorie ?

- Eteindre

La voix de Léa fit sursauter Thomas qui passait mécaniquement sa main sur son chien, comme pour se raccrocher à ce qui restait d'humanité autour de lui.

Le silence qui régnait dans la pièce était aussi palpable que le malaise qui étreignait le couple a présent enlacé dans le salon plongé maintenant dans l'obscurité.

Pendant ce temps là, dans des milliers de foyers, des parents regardaient leurs enfants d'un œil nouveau.

Prime TimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant