6

6 2 0
                                    

Jeudi 28 novembre 2019 - 19h55

Place du Carrousel - Paris (75)

Le ciel se couvrait au gré des minutes qui s'écoulaient sans faiblir. Peu d'étoiles parvenaient à échapper à l'épaisse masse des nuages qui lentement flottait, poussée par un léger vent d'ouest. Les cheveux de Jules ne résistaient pas non plus, embarqués à chaque nouvelle manifestation de l'élément divin.

Devant lui, sur l'autre bord de la route, s'élevait la majestueuse pyramide du Louvre. Les lumières jaunes à l'intérieur permettaient de repérer le tétraèdre à plusieurs centaines de mètres, se découpant dans l'ombre d'une fraîche nuit digne d'un mois de janvier. L'hiver était encore en avance cette année.

Le trentenaire releva le col de son manteau et tenta d'y engouffrer le bas de son visage. Rien à y faire, le froid s'infiltrait encore sans y avoir été invité. Un frisson le parcourut de haut en bas. Impatient, Jules sortie sa main droite de sa poche et jeta un coup d'oeil à sa montre.

Encore deux minutes.

Au fond de lui, Jules sentit une boule de stress se nouer. Les mots du courriel tournaient en boucle dans sa tête. Il avait aisément compris l'énigme pour le lieu de rendez-vous. Sans aucun doute, « la lumière de l'art » évoquait un lieu où l'on pouvait cultiver sa connaissances des différents arts. Paris regorgeait de musées. Le bon choix découlait de « l'architecture égyptienne », symbolisée par les pyramides antiques.

Vingt heures et toujours personne. Jules décida de s'avancer vers l'entrée de la grande pyramide du Louvre. Un groupe de touristes étaient en plein shooting photo. Le flash crépitait à intervalles réguliers, tout juste le temps de changer de position pour immortaliser l'instant présent.

Téléphone portable en main, Jules captura maladroitement le monument par trois fois. Toutes étaient floues au possible.

- Toujours aussi peu doué pour l'art, le temps n'y changera rien.

Une voix féminine. Son coeur se pinça, son cerveau démarra au quart de tour. Il se retourna aussi vite que possible, mais n'aperçut que le dos de la silhouette s'éloigner dans la nuit.

- Attendez !

Jules se mit à marcher d'un pas rapide pour combler son retard. Cette voix ne lui était pas inconnue, sa mémoire fouillait activement ses archives sans parvenir à trouver l'identité de cette personne. Le mail lui indiquait qu'ils avaient un passé commun.

L'ombre bifurqua à gauche puis s'engagea dans une ruelle à droite après trois cents mètres. Un coup de vent dévoila la chevelure de la femme : blonde et bouclée. Jules accéléra le pas pour ne pas perdre la trace de son rendez-vous.

Il tourna un dernière fois sur sa droite et se figea sur place. Jamais il n'aurait cru revoir un jour celle dont il avait brisé le coeur douze ans plus tôt.

- Surprise... dit-elle avec une voix à moitié tremblante.

- Mais... Églantine...

Jules ne trouvait pas ses mots, complètement abasourdi par cette rencontre. Les souvenirs se bousculèrent dans sa tête, une tempête d'émotions qui ne cessait de grandir. Elle fit un pas vers lui et tenta de lui adresser un sourire, mais elle aussi se laissait emporter par le passé.

Sans plus attendre, elle s'engouffra dans un petit bar qu'elle fréquentait régulièrement. Michel, le grassouillet patron, lui envoya ses salutations à travers l'établissement avec une discrétion digne d'un pachyderme.

La femme s'installa autour d'une table pour deux, son manteau à capuche sur le dos du siège. Elle souffla dans ses mains puis les frotta l'une contre l'autre pour chasser le froid agrippé à ses paumes. Jules était encore debout, comme paralysé par la situation. Il ne parvenait plus à réfléchir, noyé par ses pensées. Devait-il fuir lâchement une seconde fois ou bien affronter les événements ?

Virus fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant