Ces hommes qui avaient bâti leur maison sur de la tourbe

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Un beau jour, quelques hommes virent un terrain de rêve. Ils décidèrent de l’acquérir afin de construire leur demeure, une demeure solide où ils pourraient terminer leur jour. Ils firent des beaux plans pour se construire une superbe maison, immense et confortable, afin que chacun puisse y être à l’aise.

Mais rapidement, au moment de creuser pour poser les fondations, ils se rendirent compte que ce terrain n’était qu’une épaisse couche de terre qui reposait sur une énorme étendue de tourbe.

— Ce n’est pas grave, dit le premier, nous n’avons qu’à modifier un peu les plans, et faire une dalle flottante. Comme cela, plus de problèmes !

Et tous acquiescèrent, firent les modifications nécessaires au plan afin de construire la maison de leur rêve. Les premières années passèrent, et ce fut bon. Ils vivaient des jours tranquilles dans leur demeure de rêve, où chacun se plaisait. Mais le bonheur ne fut que de courte durée, et rapidement, la maison commençait à s’enfoncer. Il fallait illico faire quelque chose, sinon d’ici quelques années, elle aurait complètement sombré.

— Ce n’est pas grave, dit un deuxième, nous n’avons qu’à mettre des drains, cela asséchera la terre et la maison ne sombrera plus !

De nouveaux, tous acquiescèrent et firent placer des drains. Pendant quelques années, la situation était stabilisée, et ce fut bon. Ils vivaient, de nouveau insouciants, dans leur superbe maison. Mais au bout de quelques années, les drains ne suffirent plus. Ils n’arrivaient plus à pomper toute l’eau qui s’emmagasinait sous leur toit.

— Nous n’avons qu’à mettre des pieux, s’écria un troisième. Comme cela, nous pourrons relever ce qui s’est déjà enfoncé, et comme la maison sera bien stabilisée, fini les problèmes !

Une troisième fois, tous acquiescèrent, et ils firent venir des grandes machines ultra sophistiquées pour placer ces pieux et relever l’édifice. Une fois ce dur labeur effectué, ils furent tous satisfaits. Leur maison était relevée et ne s’enfonçait plus, et ce fut bon. Ils profitèrent quelques années encore de leur splendide maison.
Mais le sol n’était pas stable, et au bout de quelque temps, il commença à bouger. Un des pieux se déplaça et ne maintenait plus la maison correctement. Le pieu bougea encore plus et abîma le sol de la maison, quelques minces trous furent faits dans la structure, et laissèrent entrer un peu d’eau. Ces trois hommes, de concert, décidèrent vite de colmater les brèches. Mais ils avaient beau colmater les brèches, de nouvelles apparaissaient presque instantanément après que la dernière soit réparée.

Mais un homme avait repéré leur manège. Il venait d’acquérir le terrain à côté, et voyant les problèmes de ses voisins, avait fait une étude du sol pour construire son propre logis. Il avait repéré les endroits stables de sa propriété, fit toutes les études nécessaires pour pallier les problèmes qu’il avait constatés, à cause des mésaventures de ses voisins. Sa maison, à lui, tenait bien droit et n’avait pas ces problèmes, et avec la façon dont il avait agencé son projet, il lui restait un bon lopin de terre exploitable, pour construire une autre baraque.

Il alla un jour trouver ses voisins.
— Vous savez, chers amis, j’ai un bon bout de terre, là ici, où vous pourriez vous poser. Au lieu de dépenser une fortune pour réparer et prolonger l’inéluctable, car je suis sûr que vos dépenses vous ont déjà coûté l’équivalent de trois maisons, pourquoi ne pas repartir sur une base saine, une terre solide, et d’avoir des fondations faites pour durer ?

Tous se regardèrent, fronçant les sourcils, et chassèrent cet olibrius qui leur proposait cette chose si absurde.

— Mais c’est notre maison ! Nous y avons mis toutes nos économies, et nous y sommes bien ! Vous ne voyez pas que vous nous dérangez avec vos idées stupides ?

Et de colère, ils chassèrent ce pauvre être qui leur proposait de l’aide. Le voisin ne vint plus les aider, il était venu de bon cœur, leur proposer ses idées et s’était fait chasser comme un malpropre. Et un beau jour, de sa terrasse, sirotant un verre de thé glacé bien frais, il ne put que voir la maison de ses voisins dans la tourbe sombrer.

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