VI.

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Hôpital Ste-Mangouste,
11 février 2006.

— Tu devrais rentrer.

Pansy, sa cigarette coincée entre ses doigts vernis, balaya les quelques mèches blondes qui tombaient sur le front de son ami assis à côté d'elle. Le visage tiré, sûrement dû à la fatigue chronique dont il souffrait depuis quelques années, ainsi qu'aux deux jours consécutifs qu'il venait de passer à l'hôpital, lui donnait une mine encore plus renfrognée que d'habitude.

Le bruit de la pluie résonnait en un puissant écho,  presque assourdissant. Il prenait même le dessus sur tous les autres sons. La ville, habituellement bruyante, paraissait soudain bien silencieuse, comme si elle avait été prise au piège sous ce dôme grisonnant et humide.
L'odeur du tabac et celle de l'averse froide se collaient à ses vêtements, mais ce n'était pas désagréable, c'était même presque réconfortant. Il avait l'habitude.
La routine était devenue quelque chose d'essentiel à la vie de Drago : les cigarettes de Pansy, l'odeur de son parfum, ses monologues insupportables, l'hôpital, la grisaille de Londres et la pluie. C'était quotidien, comme gravé dans la roche, et ça calmait ses névroses.

— Tu dors assis, Drago.

Miss Parkinson avait ensorcelé le petit banc en bois branlant où ils avaient tous deux l'habitude de prendre leurs pauses et de se retrouver. Ainsi, ils étaient épargnés par le mauvais temps.
Le blond avait les yeux perdus dans le vide, comme s'il portait soudainement un intérêt tout particulier aux gouttes qui creusaient des flaques sur les vieilles tomettes grisonnantes et bancales à quelques mettre de ses pieds qui étaient restés au sec.
La joue écrasée contre son poing, il laissait la paume de son autre main, tendue en dehors du sortilège de Pansy, danser dans l'air brumeux et poisseux. Il mettait fin à des chutes libres interminables, et les gouttes s'écrasaient avec violence contre sa peau blanchâtre avant de mourir sous la pulpe de ses doigts qui se jouaient de leur descente effrénée.

— J'ai encore du travail.

Parkinson tira une dernière et longue taffe sur sa cigarette. Une longue et salvatrice bouffée de nicotine, comme si l'adieu inéluctable qui les attendait elle et sa clope depuis le moment où la flamme, qu'elle avait fait jaillir de sa baguette pour allumer la braise de sa fraise (il y a déjà sept minutes de ça) était un supplice qu'elle aurait voulu repousser.
La fumée qui sortait de ses narines, où trônait son anneau de piercing, lui donnait un air peu commode, mais cela amusait toujours Malfoy de la voir cracher comme un dragon. Il la fixait, un très léger sourire étirant ses lèvres, pour le commun des mortels il était quasiment imperceptible.

— Ta présentation officielle en tant que chef de service de pathologie des sortilèges est dans moins d'un mois, Malfoy. Va dormir. Elle écrasa son mégot entre ses doigts. Tu as besoin de repos.
— Tout doit être parfait.
— Tout sera parfait. Tes résultats sont remarquables, même Hippocrate l'a admis. Elle bondit du banc pour faire face à Drago, qui, lui, n'avait pas bougé d'un iota et encore moins daigné la suivre du regard. J'étais persuadée que ce vieux hibou de Smethwyck aurait préféré être envoyé au bureau des centaures plutôt que d'admettre que tu fais du bon travail.

Drago plongea finalement à nouveau ses yeux gris dans ceux de Pansy avant de soupirer, résigné.

— Sûrement, et... Il marmonna dans sa barbe. Scorpius doit être impatient que je rentre.

Pansy pinça ses lèvres et, avant qu'elle ne puisse à nouveau poursuivre leur conversation, un bruit sourd et puissant semblant provenir du hall de l'hôpital éclata leur bulle d'intimité. Durant de longues minutes, les deux amis échangèrent un regard surpris mêlé à une légère inquiétude. Puis, soudainement, des bruits de pas résonnant contre les tomettes mouillées se précipitèrent dans leur direction. Tout à coup, la pluie avait sembler continuer de tomber du ciel mais dans un silence cérémonieux.

— Miss Parkinson ! Interpella, haletante, une des sorcières qui travaillaient à l'accueil sous les directives de Pansy.
— Sienna ! Que se passe-t-il en-bas ?

La rouquine reprit son souffle l'espace d'un instant, avant de dévisager, mal à l'aise, les deux anciens camarades de classe, qui eux étaient suspendus à ses lèvres, prêts à glaner la moindre information importante.

— Harry et Ginny Potter ont transplané dans le hall...

Pansy, excédée mais néanmoins habituée à ce genre d'information, contourna la jeune sorcière trempée par la pluie qui s'abattait sur elle avant de pester sans même la laisser finir sa phrase.

— Maudit soit Potter et toute sa stupide famille !

Drago lui emboîta le pas, les mains dans les poches, finalement peu intéressé par cette nouvelle. Les bourdes de Potter, depuis qu'il s'était vue offrir l'Ordre de Merlin, étaient nombreuses et presque quotidiennes. Rien de nouveau sous le soleil.

— Sur le dos d'un hippogriffe...

La brune stoppa sa marche avant de sentir sa paupière droite tressaillir de colère. Maintenant, elle aussi était mouillée.
Tout cela n'intéressait guère Drago, et il finit par dépasser Pansy d'un pas vif, qui était sur le point d'exploser comme un chaudron en ébullition. Toutefois, il serait mentir de refuser d'admettre que l'information qu'il venait d'entendre n'était pas la raison de ce sourire malicieux qui glissa furtivement sur ses lèvres. À travers le bruit de toute cette pluie qui continuait, sans répit de s'acharner sur eux et le toit en verre du bâtiment, on aurait presque cru distinguer la mélodie d'un petit rire léger.
Pansy finit par sortir sa baguette, se jurant de tuer Potter pour le désordre qu'il provoquait à chaque fois qu'il venait ici.

— Sienna, suis-moi, on a du travail ! Cria Pansy. Qui s'occupe de l'hippogriffe ? Elle devança à nouveau Drago et ouvrit la porte qui les maintenait encore à l'extérieur, suivie de près par la petite rouquine qui avait obéit à sa terrifiante cheffe sans plus de cérémonie. Malfoy, va te faire cuire une bouse de dragon. La brune lui offrit un doigt d'honneur magistral.
— Par chance, Monsieur Zabini était de passage, il s'est immédiatement chargé de la créature. Reprit la rousse. Mais pour les Potter, ils sont sûrement déjà au sous-sol.
— Au sous sol ?

Les voix des deux femmes résonnaient comme un écho jusque dans les oreilles du blond au fur et à mesure qu'elles s'éloignaient, un peu comme dans un rêve.

— Oh oui Miss, vu l'état dans lequel était Miss Granger quand ils sont arrivés. Je crains même qu'elle ne survive pas...

Drago sentit subitement ses tympans siffler et ses yeux presque sortir de leurs orbites.

DERRIÈRE LE BROUILLARDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant