II - En Dessous

6.6K 284 101
                                    

Le syndicat ne l'accepta bien entendu pas. Il n'avait même pas l'air de vouloir s'occuper du problème de Gold. Ce manque d'entrain était très certainement lié au fait que, quelques jours auparavant, l'État avait décidé que la grande usine de fabrication de plaquettes de paracétamol, exportées dans le monde entier, allait se débarrasser de ses quelque 6 000 employés et s'automatiser dans son entier. Cela représentait presque autant de familles et donc pas loin de 21 000 personnes, qui se retrouveraient sans le sou. Ce chiffre était supérieur aux 18 000 habitants de Gold. Le Syndicat en avait donc fait sa priorité.

On lui indiqua néanmoins un autre endroit avec lequel le Syndicat travaillait souvent en partenariat et qui serait susceptible de l'aider dans sa démarche. Lola trouva donc, quelques heures plus tard, un travail très mal payé dans un petit cabinet associatif qui permettait aux personnes endettées de trouver un recours et qui, parfois, travaillait sur d'autres affaires. Elle y vit alors toute la misère humaine défiler devant ses yeux, mais étonnamment, elle apprécia ce travail bien plus qu'elle ne le pensât. Et, par bien des côtés, elle excellait dans ce domaine qui était pourtant bien loin de ce qu'elle avait réalisé jusque-là.

Paul Bayer, son nouveau patron, un homme très grand, très beau, très extravagant, très compétent et surtout très gay, était un avocat au grand cœur comme on en faisait de moins en moins à Geldstadt. Il se laissait rarement marcher sur les pieds, ce qui forçait l'admiration, surtout celle de Lola qui en avait assez pâti dans son ancien travail. Si elle avait appris à lui faire tant confiance, c'est parce que la jeune femme l'avait mis dans la confidence en ce qui concerne la destruction du quartier Gold. Il était d'accord pour appuyer sa démarche et lui laissait carte blanche pour s'impliquer dans cette formalité en plus de son travail qui lui prenait déjà beaucoup de temps.

Oubliez les trente-cinq heures, si Lola en faisait moins de cinquante par semaine, c'est qu'elle avait du travail en retard !

D'un commun accord, ils avaient décidé tous les deux, avec le Syndicat ouvrier, de ne pas avertir la population. Lola connaissait bien ses voisins et elle avait peur que leur stupidité ne leur fasse commettre l'irréparable. La dernière chose qu'elle désirait avoir, c'est une mauvaise presse et elle craignait l'apparition d'émeutes dès que les gens seraient au courant du projet Gold. Heureusement, Koch, le promoteur immobilier, de son côté n'avait pas non plus fait de déclaration publique. Pour le moment, tout se passait dans les bureaux et en huit clos sous la supervision des juges d'État, considérés comme les négociateurs en cas de conflits entre le gouvernement, ici le conseiller en urbanisme, Koch, et la population de Geldstadt.

En avril, soit près de dix mois après que Lola ait déposé un recourt auprès de la commission de l'urbanisme — qui différait totalement du Conseil de l'urbanisme dans lequel Kosh siégeait, on convia enfin tout le monde à une réunion pour donner le verdict.

Lola s'habilla pour l'occasion. Elle revêtit son plus beau tailleur, hérité de sa gloire d'antan, et soigna particulièrement son maquillage et sa coiffure pour paraitre le plus professionnelle possible.

La jeune femme se rendit seule à la tour administrative, là où tout et rien concernant l'État se faisaient et se défaisaient. C'était la première fois qu'elle revoyait Harmon depuis sa démission. Il n'avait pas changé. Toujours aussi beau, aussi bien habillé et aussi blond. Mais elle eut l'impression qu'il n'était pas tranquille. Tant mieux, cela voulait dire que les arguments qu'elle avait avancés auprès du juge tenaient la route. Elle le savait déjà, car la loi Dietrich était une justification presque imparable, appuyée en plus par une multitude de raisons sociales. Toutefois, en vue de l'état d'Harmon, elle avait maintenant la preuve que son dossier était solide.

Il n'y aura pas de RévolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant