Esseulée

64 3 0
                                    

D'Qar est - quand l'agitation militaire se calme- une planète plutôt paisible et où il faisait toujours bon. La nuit n'était pas spécialement fraîche et sa lune éclairait la forêt de façon à ce qu'Aïthne puisse découvrir le terrain.

Quand elle y réfléchissait, elle se rendait compte combien la seule chose qui lui correspondait était la solitude.

Elle n'avait jamais été aussi bien que seule. Mis à part avec celui qui y était resté.

Lui, il savait la mettre en confiance, il savait quand il fallait arrêter. Il savait tout.

Mais sans lui, elle ne supporte plus personne.

Elle avait toujours, plus ou moins, été seule. Elle était née, seule, orpheline. Elle avait grandi seule, sans affection, uniquement conçue et élevée pour un jour être l'un des meilleurs éléments d'une armée injuste.

En parcourant le chemin de terre labouré par les pas, elle observait la lune. Lune qui elle aussi, était seule. La Lune avait un compagnon, il s'appelait Soleil. Mais dans la nuit, Lune n'avait plus personne derrière qui se cacher.
C'est ça. Aïthne est la Lune, Lui il est le Soleil.

C'est pour cela qu'elle avait constamment froid. Sans le Soleil pour la réchauffer, la Lune se glace le sang et les os.

Elle avait fini par prendre place sur un banc de bois, installé là un peu aléatoirement.

Ça fera certainement l'affaire pour cette nuit.

Elle déposait son fusil au sol, retirait ses chaussures et s'allongeait contre le bois frais et dur.

Par sécurité, elle tenait un blaster entre ses mains, prête à tirer à tout moment.

Ses yeux se fermaient inéluctablement, et elle tentait désormais de dormir.

Quand elle fermait les yeux, ses pensées étaient envahies de tous les regrets passés, les peurs futures et craintes présentes.

Il y avait tant de choses pour lesquelles elle s'en voulait mais tant de choses qu'elle ne pouvait plus sauver désormais.

Il lui fallait des heures avant de trouver le sommeil au milieu de ces images de terreur, ces cris qui résonnaient, ce sang qui continuait perpétuellement de couler.

Ce sang, liquide rougeâtre qui était le fil rouge de sa vie, de son destin.

Et quand enfin le sang s'évaporait, quand la douleur et la souffrance s'en allaient comme elles étaient venues, lui venaient les larmes.

Roulant sur ses joues de porcelaine, atterrissant contre le sol dur et froid, les larmes menaçaient de se transformer en orage incessant des pensées noires qui lui traversaient l'esprit.

Elle avait tenté tant de fois de mettre fin à sa misérable vie. Elle avait voulu s'extirper de ce cauchemar pendant des années durant. Elle avait tout imaginé. Tout.

Elle voyait en l'espace infini -dépourvu du moindre oxygène-, une façon de s'étouffer, contractant ses poumons au maximum, se vidant sans plus pouvoir se remplir à nouveau.

Elle voyait en la lame d'un couteau de réfectoire, une manière de taillader ses veines, pour les laisser s'écouler là où elles semblaient bon d'emmener le sang en dehors de son corps.

Elle voyait en son propre fusil, l'exécution d'un geste précis qu'elle avait travaillé tant de fois. Dans le coeur, dans la tête, tout était bon pour tirer sa dernière balle, dans un dernier son agréable.

Elle voyait en les toits des villes urbaines, un pont depuis lequel se jeter, s'élançant dans le vide infini, finissant écrasée contre un sol de béton au milieu d'une foule innocente.

ÉternelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant