Ébréchée

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Le coup était parti en une fraction de seconde. Et sans surprise, le faisceau laser avait touché sa cible. Le moteur du AT-M6 avait éclaté en un bouquet d'étincelles, visible d'une distance lointaine. Mais ce coup n'était qu'un parmi tant d'autres, personne n'y faisait vraiment attention.

La structure de fer, montée sur quatre pattes géantes, vacillait jusqu'à s'effondrer de façon ridicule sur le sol. L'artilleur à l'intérieur ne devait pas avoir succombé mais allait être occupé à sortir de ce tas pendant quelques minutes. Minutes assez longues pour qu'Aïthne tire une seconde fois, abattant l'homme à la tête.

Parfois, elle pensait combien ces hommes cachés sous une armure blanche étaient tout aussi innocents que les populations de la bordure extérieure qu'ils exterminaient. Elle ne s'était jamais beaucoup renseignée mais elle savait que les stormtroopers étaient des orphelins -forcés ou non- que le Premier Ordre entraînait pour faire d'eux les meilleurs soldats de la Galaxie. Ils n'avaient jamais eu le choix de quitter ou non l'organisation. Bien que certains ne se plaignaient pas -après tout, ils étaient logés et nourris-, d'autres rêvaient parfois d'une vie plus calme.

Aïthne devait maintenant se déplacer pour ne pas attirer l'attention. Elle était trop à découvert et rester statique dans une position aussi délicate n'allait pas l'aider.

Elle soulevait son fusil, échappant un gémissement. L'adrénaline avait beau l'aider à ne pas penser à sa blessure, elle ne pouvait pas ignorer sa douleur infiniment.

Elle avait repéré une brèche dans le sol, non loin d'où se déroulait la bataille. Une immense brèche dont la profondeur cachait des milliers de cristaux colorés. Un trou béant qui pouvait aisément la cacher. Elle et ses tirs.

Aïthne se mettait en marche, tentant de rester plus ou moins abritée par l'angle mort qu'offrait le vaisseau avec lequel elle était arrivée.

Debout devant la fissure à taille humaine, elle se demandait maintenant comment elle parviendrait à s'y glisser et s'installer sans rouvrir sa blessure. Ça n'allait pas être une mince affaire. Mais elle trouverait.

Il était temps qu'elle se repose sur sa formation en escalade. C'était un passage obligatoire lorsqu'on devenait sniper. Parce qu'un bon sniper devait avoir une bonne planque. Et cette dernière demandait parfois de l'ingéniosité mais surtout de l'agilité.

Elle prenait le temps de bien observer, ignorant le bruit sourd des impacts que faisaient les AT-M6, passant sous silence les cris de douleurs de ses compagnons ou de ses ennemis. Elle devait se concentrer. Jusqu'à trouver ce qu'il lui fallait. Jusqu'à trouver... Cette petite faille, juste à sa droite. Assez profonde pour qu'elle se tienne debout, en équilibre sur des cristaux. Et assez étroite pour qu'elle puisse être là seule à s'y tenir. Elle pourrait reposer là, le dos appuyé contre des roches, le ventre face à la scène effroyable et son fusil posé à même le sol, à la hauteur de son regard.

Voilà qui semblait être un bon compromis. La seule chose qui dépassait serait son arme et le haut de son visage. Avant qu'on ne trouve sa cachette, le combat aura eu le temps de se terminer.

Poser le trépied de son fusil concluait quelques minutes de bataille avec elle-même pour s'installer dans cette crevasse.

Aïthne avait l'impression de s'être toujours battu contre elle. Quand tout le monde grandissait pour trouver sa voie, tracer son chemin, elle se trouvait là. A des kilomètres de ce qu'elle représentait vraiment. S'il y avait une image pour décrire la relation qu'elle entretenait avec son Moi, Aïthne était debout les bras ballants juste à côté de ce Moi. Mais les deux parties ne se voyaient pas, ne s'entendaient pas. Elles n'avaient pas connaissance l'une de l'autre.

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