Chapitre 5 : La vie

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On en parle, on la voit, tous les jours. On la sent, on la ressent, on la goute, on la fait transpirer. La vie. Comment fait-on pour vivre ? Est-ce qu'il y a une seule bonne façon de vivre ? Ça veut dire quoi au fond ? Est-ce qu'on est juste des corps, des amas de chair et de sang ambulant qui grimacent au rythme du temps qui passe ? A moins qu'on ne soit des forces chacun à notre façon apportant quelque chose au monde. Moi je crois, que pour chacun d'entre nous, 'la vie' c'est toujours une chose bien différente. La vie c'est ce qui nous rend éveillé, ce qui nous tient en haleine. Ce n'est pas simplement le fait d'être conscient d'exister, de bouger ou de penser. La vie c'est les miettes de bonheur qu'on grappille, c'est cette petite chose dans notre système qui nous rend vivant. Pour certains il s'agit de choses simples : un capuccino sucré, fumant, à côté d'une cheminée, un rayon de soleil qui caresse la peau et qui recouvre notre corps d'une couverture chaude. Pour d'autre, c'est ce qu'ils ont gagnés, ce qu'ils ont construit eux-mêmes : un travail, un objectif, un monde imaginaire, caché dans notre tête. Et puis on peut considérer que notre vie est liée à quelqu'un d'autre, une personne qui est subitement devenu toute notre vie, l'essence même de ce qui nous motive et nous pousse à sortir du lit le matin. Cette personne à laquelle tu penses en premier, celle sans qui tu ne crois plus pouvoir continuer. On croise nos vies, en espérant qu'elles fusionneront. Mais le problème quand quelqu'un d'autre devient notre vie, c'est qu'on ne peut pas savoir si cette personne a fait de nous la sienne. On croit être en sécurité, mais les gens changent souvent bien plus vite que nous... Et puis on s'écroule. Notre vie meurt en même temps qu'une relation qui nous faisait tant vibrer. Et on doit tout recommencer. Certains apprennent à se suffire à eux-mêmes, mais en général quand on a la maladie de la vie, on ne peut pas s'empêcher de prendre le risque de tout perdre...

Une petite musique jazz d'ambiance réchauffait l'atmosphère du café où s'étaient arrêtés les amis d'Isaac. Des loupiottes de couleurs scintillaient au plafond agrémentant la lumière plutôt orangé du lieu. Les cinq jeunes étaient assis dans de confortables petits canapés gris autour d'une table en vieux bois clairs. Des boissons fumantes trônaient au centre emplissant l'air de doux parfums café-chocolat.

Ils avaient longuement marché. Arthur avait lancé une ou deux batailles de boules de neiges qui s'étaient au final retournés contre lui : il était désormais trempé et frigorifié puisqu'il avait refusé de mettre une doudoune comme tous les autres. Isaac s'était moqué de son meilleur ami durant toute l'après-midi. Quant à Juliette, elle avait faim, elle n'avait cessé de parler du chocolat chaud plein de chantilly dont elle rêvait et avait tellement insisté que tout le monde s'était finalement arrêter dans un Starbucks. Diana les observait. Elle comprenait pourquoi Isaac s'était attaché à eux. Ils étaient tous très différents, drôles à leur façon. Elle n'était toujours pas à l'aise et n'ouvrait presque pas la bouche pour leur parler mais elle avait beaucoup discuté avec Isaac. C'était étrange... Une fois, lorsqu'ils étaient enfants, elle avait dessiné une énorme station de ski rien que pour eux deux. Elle se souvenait de ce rêve dans lequel elle l'avait emmené il y a si longtemps et elle savait que lui aussi. Pourtant cette fois, c'était dans le vrai monde. Ce n'était pas aussi bien, ils n'étaient pas que tous les deux, mais c'était joli quand même. Moins calme, moins innocent mais plutôt doux. Elle avait l'impression de revivre l'un de ces anciens rêves et lui devait ressentir la même chose. Ils avaient beaucoup discutés, un peu à part du groupe. Le garçon commençait à ré apprivoiser la jeune femme qu'il avait quittée trois ans plus tôt. Ils leurs faudrait du temps pour réapprendre à se connaitre, mais Diana aimait être avec Isaac. Il était le seul à l'avoir un jour aimé, ça lui suffisait. Ludivine, pour sa part, semblait éteinte depuis qu'elle les avait pris en photo. Et dire que le matin même elle se trémoussait en short au chalet poursuivant Isaac de ses sourires enjôleurs. Elle ne parlait que très peu, riait au blagues d'Arthur machinalement, comme pour faire semblant mais il était clair que quelque chose n'allait pas. Elle sentait une angoisse la prendre, son cœur commençait à se serrer. Ce n'était pas une fille insensible. Elle avait au fond d'elle une énorme place à prendre, beaucoup d'amour qu'elle ne savait pas où mettre. Elle se contenait. Elle parlait fort, bien, elle dansait souriait mais la réalité c'est qu'elle souffrait depuis toujours. Quand elle avait rencontré Isaac, il était comme elle, avec une place à prendre, des manques à combler. Elle avait cru pouvoir lui faire confiance, elle pensait qu'elle pourrait peut-être enfin être heureuse. Ces vacances c'était tout ce dont elle rêvait. Elle adorait la neige, c'est elle qui avait réclamé qu'ils partent tous ensemble en plein hiver. « C'est romantique : un chalet, une cheminée et de la musique en plein hiver, loin de tout. » Elle avait compris que Diana, aussi coincé et étrange soit-elle, serait sa rivale et elle sentait monter en elle une angoisse incontrôlable de perdre une fois de plus ce qu'elle aimait. De perdre une nouvelle fois, toute la vie qu'elle s'était construite.

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