Chapitre 3 : Les secrets

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Tous les cœurs sont remplis de secret. Certains ne sont pas très gros, ne prennent pas beaucoup de place, ne sont pas difficile à porter. Il y a les secrets communs, les petites choses qu'on ne dit pas trop mais qu'on peut sous-entendre parce qu'ils ne porteront jamais à conséquences, des détails. Et puis il y a les vrais secrets. Ceux qu'on se doit de cacher, de garder pour soi envers et contre tout. Ceux qui font mal, qui sont étranges, qui nous changent. Souvent c'est tellement lourd à porter qu'on choisit une personne, celle qui compte le plus, celle qui pourra comprendre, celle qui, selon nous, serait incapable de nous trahir, et on avoue tout. On fait confiance, parce que souvent la vie est trop lourde pour tenir sur nos épaules. Elle nous demande de garder beaucoup trop de choses au fond de nous. On met notre secret dans une petite boite dont très peu de monde possède la clé, et on prie pour qu'il ne s'en échappe jamais.

Ils deviennent des sortes de liens entre les gens, des aimants à problèmes mais aussi des symboles de confiance et de complicité pour ceux qui les partagent. Parce qu'au fond, sans secret la vie serait bien fade.

*11 ans plus tôt*

- Tu voudrais faire quoi comme métier plus tard ?

- Hmm... Je n'en sais rien, je ne me suis jamais posé la question...

Les deux enfants étaient assis au bord de leur habituel ruisseau, près de l'arbre de leur rencontre, les pieds pendants dans l'eau fraiche. Les cheveux de la petite étaient gonflés, emmêlés, malmenés par leurs chamailleries dans l'herbe. Ils aimaient dévaler la pente menant jusqu'à leur saule pleureur en roulant jusqu'en bas. Ils avaient pris l'habitude de faire la course chaque soir au moment où leur journée d'école se finissait. Diana y venait pour respirer, loin des regards et des moqueries des autres qui ne la comprenait pas. Isaac y venait pour ne pas rentrer tout de suite chez lui, pour ne pas voir le visage de son père déformer par l'alcool, et le corps de sa mère dévoré par les bleus et la douleur. Ils venaient en souriant, heureux de ces moments de pause, où rien ne pouvait les atteindre. Ils ne pleuraient plus, l'arbre le faisait à leur place.

- Moi je sais ce que je veux faire, annonça le petit garçon. J'aimerais devenir un super inventeur.

- Pour inventer quoi ? demanda la petite Diana intriguée en faisant la moue.

- Pleins de choses incroyables ! Déjà je trouverais le moyen de rendre tous les gens heureux. Ensuite je ferais une machine qui transformera tous les verres d'alcool en jus d'orange comme ça mon papa ne pourra plus jamais boire. Et après... Je ferais une machine pour se téléporter ! Comme ça on pourra visiter le monde entier tous les deux. On partira dans tous les endroits du monde, on ira même se balader dans les nuages si tu veux, s'exclama-t-il en souriant.

La petite fille le regarda, d'un air doux, attendrie. Elle analysait ses yeux rieurs, ses sourires enjoués, ses pieds qu'il faisait claquer contre l'eau d'excitation, ses mains qui bougeaient dans tous les sens comme pour donner vie à ce qu'il disait. Il se tourna vers elle, attendant une réponse, un encouragement. Elle était devenue tout pour lui. A l'école, il restait avec les garçons de sa classe pour jouer avec eux, mais il ne pouvait pas leur parler. Diana c'était sa meilleure amie, il lui racontait tout. Elle ne parlait pas beaucoup, c'est vrai, mais elle écoutait. C'était une fille un peu bizarre, dans son monde, discrète, différente... C'est justement pour ça qu'il avait confiance.

- Cette machine, quand je l'aurais inventé, je t'en ferais cadeau, ajouta-t-il d'un air décidé.

- Isaac ? souffla-t-elle tout bas. J'ai un secret à te dire...

Les mots du coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant