Chapitre 2

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Anna

Tu veux encore une crêpe ? me demande Jeanne en français en me désignant le plat quasi vide qui trône au centre de la table. C'est le moment. Avec ces morfales, mieux vaut te dépêcher !

Je ris avant de secouer la tête pour refuser.

— Bon sang, non, ça ne serait pas raisonnable, je crois, je glousse en engouffrant le dernier morceau de celle que je tiens dans la main.

— Raisonnable ? s'amuse Jeanne en resservant Sixtine qui quémande une crêpe à la confiture de fraise. Tu ne dois pas en manger tous les jours à San Francisco, n'est-ce pas ?

— Non, j'admets en mâchant du mieux que je peux. Les crêpes, c'est pas la spécialité de la ville, avouons-le.

— Et tu ne cuisines jamais ? s'inquiète Jeanne en fronçant les sourcils.

— Si, je la rassure avec un sourire. Même que Wilford aime beaucoup les spécialités françaises que je lui ai fait découvrir. Disons que je manque juste de temps, avec tout le travail que j'ai au cabinet. Alors je t'avoue que je déjeune plus sur le pouce qu'autre chose.

Jeanne acquiesce de la tête, comme si elle comprenait, mais je vois bien à son air pincé que quelque chose la turlupine. Je la connais, aussi n'ai-je pas longtemps à attendre avant qu'elle ne me livre ce qu'elle a sur le cœur.

— Donc tu sors toujours avec Wilford ? me demande-t-elle du bout des lèvres, comme si elle marchait sur des œufs.

— Oui oui, je confirme.

— Et c'est... sérieux, du coup ? tente-t-elle d'approfondir.

— Sérieux ? je répète en cherchant une réponse adéquate. Je ne sais pas. Oui, j'imagine, ça fait six mois.

— Hum. Oui, mais disons que, indépendamment de la durée, est-ce que tu ... euh... es très amoureuse ?

Je plisse les yeux, pas très certaine de comprendre où elle veut en venir.

— J'en sais rien, Jeanne, c'est un peu tôt pour te donner des certitudes ! Je ne sais pas moi ! Disons que je suis bien avec lui, c'est tout ce que je peux t'en dire.

Le visage de ma mère s'éclaire, comme si un soulagement intense venait de lui tomber dessus. Un peu perdue, je pose ma tartine avant de pencher la tête pour la regarder.

— C'est quoi le problème Jeanne ? je l'interroge, suspicieuse. Tu as un souci avec le fait que je sorte avec le fils de mon patron, c'est ça ?

Jeanne ouvre de grands yeux, avant de réfuter en agitant les bras.

— Quoi ? Non, bien sûr que non ! Je n'ai aucun souci avec ça, c'est...

— C'est Papa ? je la brusque, comprenant soudain où elle veut en venir. Il t'a dit quelque chose ?

Jeanne remue sur son siège sans rien répondre, ce qui, évidemment est une réponse en soi.

— Mais de quoi il se mêle, mince ! je m'exclame en rageant. Qu'est-ce que ça peut lui faire de savoir avec qui je sors, zut ! J'ai vingt-trois ans quoi !

— Mais tu en auras toujours huit dans sa tête, me contre Jeanne d'une voix apaisante. Tu es sa petite fille, même si tu es majeure depuis un bon bout de temps, mon cœur. Et il ne cessera jamais de s'inquiéter pour toi, tu le sais bien.

— Il ne s'inquiète pas, là, je gronde. Il s'immisce dans ma vie sentimentale !

Jeanne glousse, et ses épaules se détendent.

Jerk ( Noël à Wild Falls )  [ sous contrat Evidence Editions ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant