Chapitre 4

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Anna

J'ouvre les yeux en faisant la grimace,  tombant nez à nez avec un petit pied nu en plein sur ma joue. Mais qu'est-ce que... Je me dégage au mieux de l'envahisseur nocturne, fouillant dans les draps à la recherche de la tête de l'individu. Je souris en découvrant, comme je le pensais, le visage angélique de ma petite sœur Sixtine, qui dort à poings fermés en tête bêche dans mon lit, qu'elle a dû rejoindre discrètement au beau milieu de mon sommeil de plomb. Je ne me suis pas couchée tard, mais avec la fatigue de la route, j'étais juste claquée.

Je la repousse tout doucement, et entreprends de m'extraire comme je peux du lit une place que nous avons partagé cette nuit. Le petit matelas qui était le mien depuis que nous avons emménagé ici, et que j'ai abandonné avec plaisir en allant faire mes études à San Francisco. Autant vous dire que la première chose que j'ai acheté là-bas, c'est un lit king size...

Un peu embrumée, je réajuste le grand t-shirt de nuit sous mes fesses, histoire de sortir décemment dans le couloir qui dessert les chambres des enfants, au deuxième étage, au cas où je tomberais par inadvertance sur un de mes frangins. J'ai juste à faire trois pas pour ouvrir la porte de la salle de bains, située juste en face de ma chambre, heureuse de la trouver inoccupée ce matin, malgré les cinq gamins que compte le palier et qui doivent se préparer pour aller à l'école ou au collège. La poignée s'enfonce sans obstacle, et ravie de trouver la pièce libre, je pénètre d'un pas alerte dans la salle de bains qui n'est en fait absolument pas vide ! De la peau tatouée, des arabesques sur un grain sublime doré, des muscles partout, des fesses à croquer et, au moment où se retourne, une... oh merde, il est monté comme un dieu en plus !

— Putain ! Sors de là ! hurle-t-il en avisant ma présence alors qu'il laisse tomber d'un geste rageur la serviette dont il s'essuyait le visage après s'être visiblement rasé.

Et moi ? Je reste comme une idiote en milieu de l'embrasure, ne sachant plus trop quoi faire. Mes rétines brûlent du spectacle affolant qui me fait face et je bloque, subjuguée par l'œuvre d'art qui s'expose sous mes yeux : des abdos en béton, des pectoraux sculptés, des épaules larges, des biceps superbes. Et puis, d'un coup, je croise son regard furieux, et ma raison revient au galop : je recule, passe la porte et referme le battant en le claquant d'un coup sec. Debout devant une porte fermée, les bras ballants, je cherche mon air, partagée entre la honte de l'avoir maté sans vergogne, et l'excitation lamentable qui a surgi dans mon esprit, et dans mon corps consécutivement. Oh là là, ça va pas bien, ma fille, là !

Je me tourne comme un automate, retourne dans la chambre, et m'habille en quatrième vitesse pour descendre au rez-de-chaussée le plus vite possible, pour m'éloigner au mieux de l'objet de la tentation. Mais merde, qu'est-ce qui m'a pris de le reluquer comme ça ? J'aurais dû fuir immédiatement, en m'excusant platement ! Seulement, je n'ai rien fait de tout cela, et la honte m'envahit. J'en profite pour accaparer la salle de bain du bas, où je suis certaine de ne trouver aucun Appolon à poil, puis, me rends à la cuisine, où j'entends du bruit de vaisselle et de conversations feutrées.

— Salut mon cœur ! s'exclame Jeanne, une tasse de café fumant en main.

Je la fixe sans vraiment la voir, avant de tenter de faire bonne figure en lui adressant un sourire bancal, qu'elle ne manque pas de remarquer, fronçant ses fins sourcils blonds dans un signe d'inquiétude.

— Mal dormi ? me demande-t-elle avec une pointe de tracas dans la voix.

— Non, non, j'ai super bien dormi, je la rassure aussitôt. C'est le réveil qui était un peu... enfin bref, pas grave, tout va bien !

Elle tique une seconde, et je ne suis pas certaine que le large sourire factice que je lui lance parvienne à la convaincre de ma bonne humeur ce matin. Je détourne le regard vers la table, où sont en train de manger ma sœur Clémence, et de mes frères Jack et Emmet. Le plus grand, River, lui, déplie sa grande carcasse dégingandée en sortant la tête du réfrigérateur, des yaourts à la main. Il n'a que quatorze ans, mais il dépasse déjà Jeanne, qui mesure quand même un mètre-soixante-quinze. Nous sommes tous grands, dans la famille, mais les garçons semblent prendre une ascension exponentielle qui augure une taille définitive qui dépassera les deux mètres...

Jerk ( Noël à Wild Falls )  [ sous contrat Evidence Editions ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant