𝟥. 𝘐'𝘮 𝘨𝘰𝘰𝘥 𝘵𝘰 𝘨𝘰

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Le rythme de ses pas à chaque marche tournait en lui comme une musique de fond, tandis que son esprit tentait vainement de se réveiller.

Ses membres étaient douloureux. Étonnant qu'une table de jardin et une chaise en plastique n'égalent pas le confort d'un lit et d'un matelas au prix délirant...
Il était d'ailleurs presque sûr d'avoir attrapé un rhume en ayant passé la nuit sur son balcon, à la fin de l'automne.

Son profond sommeil avait été coupé par un soleil lumineux caché sous une couche de nuages, l'éblouissant d'un blanc déchirant.

Il avait mis quelques minutes avant de comprendre où il était, puis il s'était traité d'inconscient d'une manière bien moins polie et était retourné à l'intérieur de son appartement sans saveur pour prendre une douche et avaler un encas.

Il continuait à claquer son parfait métronome sur le béton, descendant les escaliers qu'il jugeait sans fin de l'immeuble.

En bas il avança dans le hall joignant les deux bâtiments et chercha sa boîte aux lettres.

Il jeta un coup d'oeil aux noms présents sur ces dernières, il ne connaîssait vraiment personne ici, et personne ne cherchait à se connaître d'ailleurs.
Des anonymes s'accordant un hochement de tête quand ils se croisaient, des regards fuyants ou distraits, un jugement sur chaque locataire sans même s'être adressé un ''bonjour''.

C'était peut-être mieux ainsi.
Si les automates devenaient des connaissances voire des amis entre eux, ils deviendraient, dotés d'une conscience et de sentiments propres, encore plus dangereux pour les humains.

Il se trouva ridicule, il n'y avait aucun danger, la race humaine avait déjà disparue.

Laissant sa curiosité, il se reconcentra sur son but initial et ouvrit la boîte de métal à son nom.
Il y attrapa une lettre, étonné, et referma de sa clef.

Il cherchait sur l'enveloppe un indice, quand il entendit des pas se rapprocher.

Il décida de faire comme si de rien n'était, comme d'habitude, mais aperçut une silhouette le regarder dans sa vision périphérique, alors il redressa la tête.

-" Hum, Bonjour !

Il sentit son coeur s'arrêter avant de reprendre bien plus vite.

Il l'avait reconnu tout de suite, ce danseur gracieux qui le faisait délirer depuis deux jours non stop. Ce corps léger et encore plus agréable à regarder de près. Et ce visage dont les traits n'avaient désormais plus de secret car il pouvait pleinement les découvrir en face à face.

Ses paupières clignèrent rapidement et il se ressaisit.

- Bonjour. il osa un presque sourire.

Il se frappa intérieurement, ne sachant que dire de plus. Le relationnel avait disparu de sa vie quand cette dernière elle même avait disparue.

- Je vis dans l'immeuble B, en fait je viens d'emménager... Heureux de voir que les locataires ne sont pas tous des morts-vivants. plaisanta l'inconnu, encore plus petit qu'il ne lui paraissait de loin.

Le Seo regarda le coin des lèvres de son vis-à-vis se redresser timidement, en transe.

- Je vis dans le A pour ma part, et je vois ce que vous voulez dire...répondit-il en pouffant.

Le noiraud lui offrit alors un grand sourire qui fit se dématérialiser l'entièreté de son corps.

- On est au moins deux humains ici, rassurant. Bon, à vrai dire, je voulais atteindre ma boîte aux lettres...

Il se secoua la tête et s'écarta.

- Oh oui pardon !..

Il observa les lignes de sa silhouette s'étirant pour atteindre la boîte en question. Il se trouva vraiment obsédé d'agir ainsi.

L'autre referma et se retourna vers lui.

- Bref, aussi, je voudrais m'excuser pour le bruit que j'ai fait hier. On fêtait ma pendaison de crémaillère avec quelques amis et il est vrai que la discrétion ne fait pas partie de nos habitudes...

La veille lui revint comme un coup de fouet et il repensa aux corps serrés, à la drogue et l'alcool consommés. Il fut d'ailleurs étonné de la sobriété et clarté du jeune garçon.

- Oh j'ai entendu de la musique mais c'est tout. Ça ne m'a pas dérangé. Après pas sûr pour les autres...
- Malheureusement pour eux je suis fêtard. Et je suis l'un des seuls à avoir mon propre appartement. Trop d'irrespespect en moi en fait ! rit-il.

L'américain le trouva absolument magnifique et eut du mal à contrôler sa langue.

- Pas de problème du tout, au contraire...

L'expression du plus petit se referma un peu, désarçonné.

- Au contraire ? Hum d'accord. il émit un rire gêné.

Il se rendit compte de son erreur et s'étouffa un instant avec sa salive.

- Ce que je voulais dire c'est profite ahah ! Enfin, profitEZ ! il s'éclaircit la voix. Je voulais pas paraître flippant...ahah.

Un grand silence se fit. Il se détesta encore plus qu'il détestait ce monde. Il venait de faire la plus grosse bourde depuis sa naissance.

Bien trop mal à l'aise il revint à la lettre entre ses mains et décida de l'ouvrir, sous le regard perdu du danseur.
La fuite était parfois une bonne solution pensa-t-il.
Il remarqua alors que le danseur s'était trompé, il était tout autant non-humain que les autres locataires.

Il ouvrit la fameuse enveloppe et lut le papier entre ses mains.
Un cri échappa du bout de ses lèvres et un sentiment de soulagement s'empara de lui.

Il mit une main sur sa bouche après que l'ébène toujours présent ait sursauté.

- Désolé mais j'ai enfin une réponse que j'attendais avec impatience...
- Ce n'est rien, j'ai juste failli faire une crise cardiaque.

Il plongea ses prunelles brunes dans celles plus sombres du nouveau résident et encore une fois fut déstabilisé.

- En fait, je compte déménager, et j'ai trouvé un appartement, loin de Séoul. J'attendais que le propriétaire qui n'a pas de téléphone portable m'envoie cette lettre de réponse.

L'autre rit presque.

- Je vois. Et bien, je devine que vous allez partir d'ici alors.
- Oui...
- Ravi de vous avoir rencontré !"

Le Seo se figea et regarda la silhouette s'éloigner de lui, toujours son aura enivrante flottant autour, l'hypnotisant encore, le rendant insouciant, le rendant fou, le rendant vivant.

Avait-il si hâte que cela de quitter cette ville désormais ?

Pour une fois la réponse n'était pas si évidente.

𝐥𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐢𝐭 𝐮𝐩 𝐥𝐢𝐤𝐞 𝐝𝐲𝐧𝐚𝐦𝐢𝐭𝐞 ও 𝑗𝑜ℎ𝑛𝑡𝑒𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant