Un mois.
Un mois que je suis rentré de Côte d'Ivoire, et que j'attends impatiemment mon prochain déploiement sur l'opération Harpie, raison pour laquelle j'ai rallié le 3REI. Le sentiment d'utilité me manque, tout comme l'adrénaline qui ne nous quitte pas lorsque nous partons en opération. La Légion, c'est toute ma vie, la seule famille qui ait accepté de me donner ma chance lorsque j'ai brutalement quitté la mienne.
Ayant perdu mon père à douze ans, j'ai ensuite vu défiler les nombreuses conquêtes de ma mère, rangeant derrière elle les bouteilles d'alcool vides et les restes d'héroïne qui traînaient chaque matin. Si j'ai tenté au départ de la soutenir et de lui faire décrocher, j'ai tout arrêté le jour où elle a regardé en riant son dernier mec me coller une branlée, qui aurait pu me coûter la vie si je n'avais réussi à l'assommer avec une chaise de cuisine. J'avais dix-neuf ans, et c'est sans aucun remord que j'ai quitté le Minnesota pour la France, un simple sac sur le dos avec quelques fringues et le peu d'économies que j'avais réussi à amasser en livrant des pizzas.
La Légion, c'est le refuge des oubliés, des reclus, des âmes perdues. Ici personne n'est jugé, et chacun a droit à sa chance. Mieux encore, les services de renseignements se chargent d'effacer notre vie civile, et de nous créer une nouvelle identité de Légionnaire.
À quelques mètres de mes camarades et moi, le groupe de civils qui vient de débarquer peine à enchaîner les pompes ordonnées par le Capitaine. Je les regarde, sans compassion, sans entrain. Ces abrutis nous sont envoyés par le gérant d'un journal parisien, qui espère faire naître un esprit de cohésion dans les cervelles de cette équipe de bras cassés. S'il est rigoureusement exclu pour moi de contester un ordre ou une mission, je dois avouer que celle-ci me gonfle à un point phénoménal. Merde, je cumule onze années de Légion, ce n'est pas pour perdre mon temps avec cette nouvelle lubie qu'a eu le Commandement d'ouvrir exceptionnellement notre camp à des civils en quête de sensations fortes ! Paraît-il qu'à l'issue de leur petite expérience, un article serait publié pour expliquer nos conditions de formation, ce qui, d'après le Général, pourrait relancer des recrutements dans la foulée. En attendant, voilà les quinze baltringues qu'il va falloir se coltiner pendant deux semaines.
– Allez, bande de fainéants ! les invective le Capitaine. Tout le monde debout !
Ils se relèvent un à un. Les visages sont rouges, les respirations saccadées et les yeux exorbités. Ils ne s'attendaient pas à se faire accueillir aussi durement, les pauvres petits. S'ils savaient...
– Si vous croyez que vous êtes ici en vacances, vous vous êtes gourés ! reprend mon supérieur de sa voix autoritaire, à laquelle son accent russe donne encore plus d'intensité. Si vous croyez qu'ici on forme des soldats, vous vous êtes gourés aussi ! Ici, on forme des Légionnaires ! Vous venez de débarquer pour quatorze jours parmi nous, ne croyez pas qu'on va prendre soin de vos petits culs ! Vous allez vivre les mêmes épreuves que nos recrues, et vous aurez droit au même traitement !
Les regards sont braqués sur lui, certains sont inquiets, d'autres semblent en prendre et en laisser. Ceux-là vont tomber de haut.
– Les Instructeurs qui sont là, continue-t-il en tendant un bras vers nous, vont vous former pendant toute cette semaine. À coups de pieds au cul s'il le faut.
Balayant la fine équipe du regard, je ris intérieurement en devinant d'entrée de jeu lesquels flancheront les premiers. La petite brune hispanique, dont la silhouette déjà tremblante d'appréhension ne tiendra même pas le choc de la première épreuve. Le petit dodu qui se tient debout à ses côtés, idem. Aucun cardio, il crachera ses poumons rien qu'en arrivant à l'appel du matin. Un peu plus loin sur la droite, un grand brun à l'air un peu trop confiant attire mon attention. Mains dans le dos, épaules à peu près droites, il semble vouloir donner le change, pourtant je n'y crois pas. Ce mec pue la fierté déplacée, l'arrogance et l'égoïsme. Celui-là, tu sais dès le départ qu'il laisserait ses camarades prendre les balles pour lui. À ses côtés, une blondinette qui semble gênée de la proximité qu'il lui impose en collant régulièrement son bras au sien. Le regard au sol, la tête vissée dans les épaules, elle semble complètement écrasée par la prestance de son voisin. Est-ce habituel ? Est-ce que c'est pour ce genre de conneries qu'on nous les a envoyés ? Aucune idée.
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Boot Camp
Roman d'amourOlivia, 24 ans, au caractère impétueux et à la langue bien pendue, est envoyée avec ses collègues en séminaire de cohésion. Le but ? Recréer un esprit d'équipe et leur remettre les idées en place. Jusqu'ici, tout semble à peu près normal. Mais, l...