Chapitre 5 - Seth

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            Attablé avec les gradés devant un chili con carne fumant, j'écoute d'une seule oreille les blagues vaseuses de mes camarades sur les nouvelles recrues. Les vraies, un groupe de Légionnaires fraîchement arrivé hier de Castelnaudary. Les paris sont déjà lancés sur ceux qui iront au bout de leur contrat, et ceux qui flancheront en cours de route.

Ici, au régiment, les loisirs sont relativement limités. Au-delà des mises à l'épreuve entre nous pour maintenir notre esprit compétitif et des traquenards qu'on s'inflige histoire de rigoler un peu, les paris sont souvent au menu pour nous distraire.

Pourtant, ce soir, les rires de mes pairs me semblent lointains et je ne parviens pas à entrer dans leur euphorie. Non, ce soir, mon esprit est trop embrumé, trop occupé à tenter de reconnecter l'entièreté de ses neurones et à effacer de sa mémoire une paire d'yeux noisettes sacrément culottés. Si mon corps de Légionnaire est rompu à bon nombre d'exercices éprouvants, autant physiquement que mentalement, il n'était pas préparé à ce genre de pulsions.

Merde, par deux fois aujourd'hui, j'ai manqué de saisir ces lèvres entre mes dents, instinctivement appelé par leur chair pulpeuse, et surtout par le petit être atrocement excitant qui les agitait sous mon nez.

Je crois bien que le pire a été cette putain de sortie de douche. La voir trottiner pour passer devant moi à l'appel du sifflet, sa simple serviette humide autour de la poitrine, les cheveux encore dégoulinants et la peau luisante, j'ai dû serrer les dents pour contenir l'afflux sanguin qui menaçait mon futal.

Comme si c'était la première nana que tu voyais à moitié à poil, abruti !

Ça non, ce n'est pas la première. Mais aucune autre ne peut se targuer d'avoir son aplomb, sa volonté, son courage. Aucune autre ne peut se vanter de m'avoir fait risquer mon self-control deux fois en moins d'une journée. Jamais je n'avais encore connu cette espèce de réaction primaire. Pour la plupart des femmes que je rencontre, la prise de contact se fait toujours à leur initiative et je réalise souvent que dans le cas contraire, je ne me serais pas spécialement retourné pour leur prêter de l'intérêt.

Petit Machin est différente. Après ces quelques heures dans mon périmètre, je commence à me dire que possiblement, si je l'avais rencontrée dans la rue, elle aurait pu m'intriguer.

– Hey, Seth ! me hèle Aldo, mon frère d'armes et fidèle ami. C'est pas vos stagiaires, qui se ramènent ? J'ai entendu dire que ton groupe s'était déjà fait remarquer ?

Il ricane, aussitôt suivi de tous les autres, et je lève un œil nonchalant vers l'entrée de la cantine. En effet, les quinze touristes viennent d'entrer et se placent dans la file d'attente, propres et secs. Je repère sans difficulté mon lot de bras cassés et pousse un simple soupir pour toute réponse à mon voisin de table, qui me décoche un coup d'épaule fraternel.

– Alors, il paraît que l'une de tes recrues t'en fait déjà voir ? reprend-il, trop heureux d'avoir de quoi se foutre de ma gueule.

Je lui accorde un sourire discret, histoire d'acquiescer sans en rajouter, et continue de manger en évitant de m'attarder sur le petit chignon désordonné qui patiente à quelques dizaines de mètres de nous.

– Pour sûr, renchérit Dumont, elle a de la gueule, la petite !

J'ignore royalement les rires gras comme les commentaires de mes frères qui tentent de repérer la petite teigne dont tout le monde parle déjà. Le nez dans mes haricots rouges, je sais exactement à quel moment ils la distinguent des autres.

– Ah ouais, acquiesce Aldo, joli petit morceau...

Je grogne pour toute réponse, et n'ai aucune envie d'entendre toutes les blagues et mises-au-défi stupides qui vont suivre. Et pourtant, je n'y échapperai bien évidemment pas.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 06, 2021 ⏰

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