summertime sadness ʲᵉᵒⁿᵍˡᶦˣ

épilogue. experience

[Chanson : Experience, Ludovico Einaudi]

J'suis retourné quelques fois chez mes grands-parents, depuis. Mais plus autant qu'avant. Ça faisait trop mal, tu comprends ?

Quelques fois, je suis retourné sur cette grande plage, à la tombée de la nuit. Dans la petite crique. Sur le promontoire rocheux où on avait passé un après-midi. Et, quelques fois, j'me suis trouvé paralysé, les membres soudain trop lourds pour avancer. J'avais cette boule dans la gorge, encore.

Ton souvenir m'étouffait autant qu'il me faisait sentir vivant.

La nostalgie, c'est de la mélancolie sans tristesse. J'étais pas triste, j'étais même un peu trop heureux d'avoir pu passer un bout de mon existence avec toi. J'aimais la nostalgie qui m'habitais ; mais parfois, ça m'opprimait le cœur, et ça faisait mal, un peu, beaucoup.

Peut-être que ça pouvait pas se passer autrement, qu'on pouvait rien y faire. Peut-être qu'il y a des personnes qui sont destinées à n'être que de passage dans nos vies. Mais si leur présence est si minime dans nos vies, pourquoi est-ce que leur souvenir écrase tous les autres ? C'est injuste, Felix. T'as débarqué comme ça, ta présence m'a transcendé, t'a tout chamboulé, puis t'est parti. C'était pas un coup, de vent, c'était une tempête. Depuis, je sais plus dans quel sens est mon cerveau, dans quelle direction bat mon cœur. J'essaye de réguler tout ça, mais au fond de moi, c'est le chaos. T'avais pas le droit, Lix, c'est injuste.

Pourtant, j'ai l'impression que ça pouvait pas se passer autrement. Ya des moments qui sont faits pour ne pas durer. Ça me bouffe de l'intérieur, mais j'ai pas trop l'choix.

J'espère que tu penses à moi, parfois.

J'espère que tes automnes sont aussi lumineux que tes cheveux. Que tes sourires sont pour des gens qui en valent la peine. Que tes tâches de rousseur continuent de refléter les étoiles.

J'espère que tu es toujours avec lui. Qu'il prend soin de toi. Ça serait trop dur de se dire que tu es parti si tôt pour quelque chose d'éphémère.

J'espère que t'as toujours ta joie combative au fond de toi. Que tu te délites pas en miette, comme ces gens qui étaient trop heureux et qui ont fini par se noyer dans leur bonheur.

J'espère que tu ris toujours aux étoiles et aux mystères de l'univers, de temps en temps, tes pieds nus foulant le sable.

J'espère que tu as fait de belles rencontres, qui t'ont transcendé autant que tu m'as transformé. J'espère que quand tu penses à moi, il y a encore un peu de mélancolie dans tes yeux bleus. Ça m'ferait trop mal d'envisager que tu m'ai oublié.

J'espère que la vie t'offre encore un peu d'poésie pour combattre la grisaille du monde et de nos pensées. J'espère que le rire étrangle les larmes et que l'espoir souffle sur le feu de la tristesse.

Est-ce que ça serait superficiel de te souhaiter tout le bonheur du monde ? Est-ce que ça serait pas un peu trop lourd à porter, tant de félicité ? J'pense que j'vais me contenter de te souhaiter des bribes de joie et de poésie, de rires et de chansons. P't'être que c'est suffisant pour combattre la nostalgie.

J'vais essayer d'aller de l'avant, Lix, j'te promet. J'pourrais jamais t'oublier, mais j'vais essayer de me relever un peu plus vite quand ton souvenir m'assaillira. Paraît que vivre dans le passé, c'est pas bon pour la santé. J't'avoue que j'me fiche un peu de ma santé, mais au point où j'en suis, autant faire plaisir à ceux qui sont encore à mes côtés.

Bien sûr, j'ai rencontré d'autres personnes. Le temps, modifie les perceptions. Peut-être que j'me suis épris d'autres gens ; mais jamais autant que je t'ai aimé, toi. Tu restera le premier, le seul que j'ai jamais aimé comme ça.

Tu restera la rencontre de ma vie. M'en veux pas trop si je suis sentimental, j'en ai juste un peu gros sur le cœur.

J'ai dit ce que j'avais à te dire. Je t'ai aimé. Je t'aime encore. Ne m'en veux pas.

J'espère que tu vis encore comme tu savais si bien le faire - j'espère que tu vivras encore longtemps comme ça.

Au revoir, Lix. A bientôt dans nos souvenirs.

FIN

to be continued...