Chapitre 1

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Je me dirige vers mon pupitre au fond de la classe, analysant toute les autres personnes autour de moi, me demandant en quoi je peux être classée dans la même ‘tranche d’âge’ qu’eux. Ne pensez pas que je suis ce genre de personne qui se met en marge de la société juste pour la dénigrer et pouvoir dire qu’il n’appartient pas à ce monde. Alors qui je suis ? Qu’est-ce que je pense des autres, de la vie en tant que tel ?

Soyons honnêtes, oui, je me mets en marge de la société, oui, je me trouve extrêmement différente comparativement aux autres personnes de mon âge. Qu’est-ce qui fait que j’ai du mal à m’identifier aux gens qui m’entourent ? Ils ont une telle capacité d’interagir avec les autres, à se lier d’amitié rapidement, à avoir des sentiments…

Je vous arrête tout de suite, j’ai des sentiments, comme tout le monde, sauf qu’ils sont pratiquement inexistants. Comme toute autre adolescente de quinze ans, je suis tombée en amour, malencontreusement évidemment. J’ai essayé de me contenir, de ne pas fléchir si facilement, mais juste un regard a suffit pour me faire flancher, moi et tout ce qui m’entoure.

Vous connaissez tous cette sensation quand on change un aspect physique (ou même psychologique de nous-mêmes) et nous sommes impatient de voir la réaction de la personne concernée. Nous sommes totalement confiants, jusqu’à ce que nous nous mettons en route, sachant que la personne se rapproche de plus en plus à chaque petit pas que vous faites, vous sentez des millions de papillons qui vous envahissent le bas-ventre, ce n’est pas désagréable, vous vous sentez tous bien et excité, sauf qu’il y a aussi cette nervosité, ce trac, cette peur d’être à découvert et de décevoir notre élu secret. Croyez-moi je la connais parfaitement, si elle serait un humain, ce serait probablement la seule personne avec qui je pourrais m’entendre. Mis à part cette autre personne à laquelle je me permettrais de penser sans cesse.

Permettrais ? Qu’est-ce que qui m’en empêcherait vous vous demandez probablement. C’est simple, mon premier amour a été à sens unique, alors j’attends bien celui qui sera bidirectionnel, ou plus simplement, j’attends la personne qui m’aimera autant que je l’aimerai.

Vous vous dites probablement que n’importe quel garçon qui aurait le courage de me démontrer de l’intérêt ou de juste essayer de me plaire et de me faire sentir aimée pourra éventuellement développer quelque chose avec moi.

Faux.

Premièrement, personne n’ose s’intéresser à moi. Avec mes habits sombres et démodés, il me semble que j’aie un talent inné pour éloigner toutes possibilités de contact social. Plutôt drôle à y repenser, presque toutes les filles disent que l’apparence ne fait aucune différence au fait qu’il faut s’intéresser aux gens qui nous entoure, que malgré tout, une incroyable personnalité se cache en chacun d’entre nous… Ce ne sont que de belles paroles, parce jamais personne n’est venu me parler. Au contraire, j’ai simplement le rôle de la fille étrange. Quand tout va mal, on me lance des regards dégoutés et quand tout va bien, on ne me regarde tout simplement pas. On rit parfois à mes blagues parce que les professeurs sont loin de m’adorer, mais la seconde où ça se produit, l’autre tout le monde à déjà oublié. Ça ne m’affecte pas, je ne suis pas le genre de personne faite pour être populaire : je ne suis pas riche, je n’ai pas la famille parfaite, aucun drame pour attirer de la pitié est arrivé dans ma vie (en fait oui mais personne ne le sait et c’est excellent comme ça), je suis plus ou moins féminine et finalement, je suis lesbienne.

Ce qui nous mène au deuxième point :

Bien que personne ne le sache, je suis gay et entre nous, il n’y a rien de plus énervant qu’un garçon qui est convaincu qu’il pourrait te rendre hétéro. Je trouve cela totalement ridicule. Pour les hétéros qui ne pourraient pas comprendre ce sentiment (bien que je suis sûre que vous le pouvez), c’est comme pour une fille, une lesbienne vous harcèlerait pour avoir un rendez-vous avec vous, malgré le fait que vous avez dit non à répétition, dans le but de pouvoir vous avoir dans son lit et de se vanter qu’elle vous a fait « changer d’équipe » comme on dit. Pour les garçons, imaginez-vous le même scénario, ne vous flattez pas trop, on parle d’un autre garçon qui essaierait de vous avoir… Vous pouvez mieux comprendre ce que je veux dire maintenant ? Parfait. Par chance, ça ne m’est jamais arrivé, parce que personne ne connaît mon orientation. Tout le monde s’en doute, mais tout le monde s’en fout.

Âme perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant