Chapitre 2

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Huit heures quatre, affiche mon réveil. Mes yeux collés ensemble me suppliant de dormir encore un peu plus je lève ma main gauche avec effort et cherche péniblement la touche pour le désactiver encore cinq petites minutes. Je tâte ma table de chevet toujours incapable de trouver la touche pour enlever cette alarme agressante, sauf qu’après deux minutes je réalise que ça ne sert plus à rien : je suis parfaitement réveillée. Je soupire longuement me décidant finalement à ouvrir les yeux. Je me redresse et ferme mon réveil, me replongeant dans un silence radio, me prouvant que finalement je pourrais bel et bien m’essayer à me rendormir.

-Azaëlle, il est huit heures sept, si tu n’es pas dans la voiture à huit heures vingt tu devras te rendre à l’école à pied, me dit mon père juste avant de refermer la porte, disparaissant aussi vite qu’un courant d’air.

J’oblige mes yeux à s’habituer à la lumière et cours jusqu'à mon garde-robe. Je prends la première paire de shorts que je vois et l’enfile aussitôt, même chose pour ma camisole de Dexter avec « Dark Passenger » écrit en gras dessus. Je vais à la salle de bain, mouille mes cheveux bruns mi-longs en grimaçant au contact de l’eau froide contre ma peau fraîchement éveillée, les sèchent aussitôt, mets un peu de fixatif pour les fixer à la garçonne et accours jusqu’à la voiture, soulagée que celle-ci soit toujours dans la cour.

Mon père attend patiemment que je ferme la portière de sa BMW avant de me sermonner :

-La prochaine fois que tu seras en retard le matin ce sera à toi d’en assumer les conséquences.

Je continue de fixer notre maison par la fenêtre en restant silencieuse, je sais qu’il dit vrai, mes retards sont une autre raison pourquoi les enseignants ne m’aiment pas à la folie, mais j’en accepte les conséquences : s’ils sauraient que moi et Mark n’avons pratiquement pas de relations père/fille et que je fais tous mes repas, ils se plaindraient probablement à-je-ne-sais-qui qui m’envoierait dans une formidable famille d’accueil sans même prendre la peine de me demander ce que je veux. Non merci.

On dirait bien que Mark prend mon absence de réponses pour un oui puisqu’il démarre la voiture sans m’accorder de regard.

J’observe le paysage défiler sous mes yeux avec calme et sérénité. Mon père a cette bonne habitude de ne pas mettre de musique ou de station radio matinale lorsqu’il m’emmène à l’école. J’imagine que c’est de là que vient mon besoin insatiable de silence et de paix. C’est probablement un des seuls points communs qu’il y aura entre lui et moi pendant toute ma vie, parce que je sais que même si je ne prends pas souvent le temps de l’analyser, mes yeux gris profonds me viennent de nul autre que lui. Cependant ma couleur de cheveux me vient de ma mère, puisque Mark a les cheveux blonds clairs.

Plus je vois l’école s’approcher, plus je me demande quand cette semaine Chloé fera son entrée. Nous sommes Mardi alors je sais que son arrivée pourrait encore s’étendre sur quatre jours, malheureusement. J’entends déjà ce que vous pensez : pourquoi son intérêt envers cette fille est aussi grand ? J’imagine que c’est un mélange entre la curiosité de voir le fruit de ma professeure et aussi que lorsque l’on est toujours seul un rien suffit à nous distraire.

La voiture s’arrête, me signalant qu’il est temps pour moi de descendre.

-Bonne journée Mark.

-Bonne journée à toi aussi Azaëlle.

Jamais nous nous appelons par nos liens familiaux. Toujours par nos prénoms, sinon ça deviendrait bien trop personnel. La dernière fois que Mark m’a appelé ma fille remonte à environ quatre ans, juste avant le départ de ma mère. Devant elle il ne faisait que jouer le rôle du père parfait, alors que quand elle est partie, il ne se forçait plus pour me montrer à quel point j’étais importante pour lui. C’est parfait pour moi, puisque moi aussi je pouvais arrêter de jouer la comédie. Je sais que pour ma mère les relations familiales est la chose la plus importante au monde, enfin avant puisque maintenant qu’elle nous a abandonnée il est évident qu’elle a changé d’avis. Peu importe, ce que je veux dire c’est qu’en m’élevant elle m’a transmise toutes ses valeurs qui lui tenaient tant à cœur. Sauf que maintenant qu’elle est partie, j’éprouve seulement un profond dégoût envers elles. Si elles seraient si primordiales dans une famille, Mark ma mère et moi serions ensemble comme avant et je n’aurais pas souffert comme je l’ai fait. Je ne me serais pas attachée autant.

Âme perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant