4. Une Nouvelle Vie

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Le pick-up s'engagea sur un chemin entre deux grands enclos où paissaient des vaches et des moutons. Il menait à une magnifique grange mélangeant ancienneté et modernité avec son bois rustique, ses vieilles pierres et ses grandes baies vitrées à travers lesquelles on voyait des chaises alignées autour d'une longue table, des fauteuils en cuir marron et un escalier de bois moderne. Derrière la grange, après d'immenses champs, on apercevait au loin la forme massive de montagnes bleutées.

La voiture se gara sous le grand auvent de bois de la grange.

— Bienvenue chez toi, petite, lança Pearl en éteignant le moteur.

Jane sauta hors de la voiture, son sac à dos sur l'épaule, émerveillée par le paysage vaste et paisible qui entourait la ferme. Il y avait quelques nuages, mais le soleil brillait et la journée était douce pour la saison.

— Alors c'est ici que vous vivez ? demanda la jeune fille. Vous êtes fermier ?

— J'étais. Mais je n'ai plus le temps de m'occuper des terres que j'ai reçues en héritage à la mort de mon père depuis longtemps, alors je les loue à un agriculteur. Il fait un bien meilleur fermier que moi. Ce qu'il me paie est mon principal gagne-pain. Ce n'est pas énorme, mais ça me permet d'avoir de quoi me nourrir pendant que je m'évertue à repousser le surnaturel hors de notre monde.

— Vous n'êtes pas payé pour ça ? s'étonna Jane.

— Pas vraiment, non. Ou très peu, lorsque j'ai de la chance. Mais j'en tire autre chose. C'est très gratifiant d'accomplir quelque chose de bien, de se dire que le monde est un tantinet plus sûr grâce à nos efforts. Tu verras.

Ils contournèrent le mur Est de la grange où se situait l'auvent pour gagner la porte d'entrée.

— Il faudra que je te fasse faire un double des clefs, observa Pearl en déverrouillant la porte. Comme ça, tu pourras aller et venir comme tu le voudras quand je devrai m'absenter.

La grange était encore plus belle de l'intérieur. Tout le mobilier, rustique et moderne, s'accordait avec les teintes bois et blanc. Les teintes claires des murs et du plafond, qui contrastaient avec la couleur du parquet et des grandes poutres en l'air, agrandissaient l'espace en capturant la lumière qui entrait par les baies vitrées. Des lampes pendaient depuis les poutres au-dessus de la table à manger et du bar aux chaises hautes qui séparait la cuisine du salon. A l'autre bout de la pièce, du petit bois brûlait dans l'âtre d'une cheminée en pierre.

— Tu risques de croiser les Daniels assez souvent, déclara Joshua Pearl en accrochant sa veste et son chapeau au porte manteau du hall d'entrée. Ils ne vivent pas ici, mais comme je te le disais, ce sont eux qui travaillent mes terres. Ne sois pas étonnée de les rencontrer aussi à l'intérieur de la grange, à propos. Il est normal qu'ils puissent entrer à leur guise pour se reposer, alors je leur ai donné un double des clefs. Ils déjeuneront parfois avec nous.

Jane acquiesça en silence tout en continuant d'observer les lieux.

— Viens, dit Pearl, je vais te faire visiter l'étage.

La jeune fille le suivit à travers l'escalier au coin de la salle, construit près de la cheminée. Les marches étaient des planches de bois clair maintenues ensemble par du métal teint en noir, qui craquèrent à leur passage.

— C'est vous qui avez rénové la grange ? demanda Jane en traînant la main le long de la rambarde. Ça n'a pas dû être donné.

— Oui, fit Pearl. L'argent reçu en héritage d'une tante a permis de financer les travaux. J'avais décidé de dépoussiérer un peu cette vieille grange à la mort de mon père, d'en faire un endroit moins... lugubre.

A l'étage, toutes les chambres étaient disposées le long d'un couloir, au bout duquel se trouvait une salle de bain. Pearl poussa la porte de l'avant-dernière chambre sur la gauche et alluma la lumière. L'intérieur était très joli. Comme au rez-de-chaussé, les teintes alliaient blanc chaud et bois dans un mélange rassurant et confortable. Face à la porte, une fenêtre à carreaux donnait vue sur les bois denses au-delà des enclos des vaches, des moutons et des poules, derrière une petite route de campagne qui séparait la propriété de Pearl de la forêt.

— Tu peux poser tes affaires ici, déclara le vieil homme avec un sourire chaleureux. J'espère que ça te plait, parce que ça sera ta chambre à compter de maintenant.

Jane ne savait pas quoi dire. Ses yeux s'embuèrent de larmes, qu'elle s'efforça de retenir. Elle laissa glisser son sac à dos le long de son épaule et le posa par terre. Elle se détestait d'avoir eu pour premier réflexe de chercher des yeux une sortie de secours en découvrant la chambre.

— C'est splendide..., balbutia-t-elle. Je ne sais pas comment vous remercier. Pourquoi faites-vous ça pour moi ? interrogea-t-elle en se retournant pour rencontrer les yeux métalliques de Pearl.

Il lui souriait en la regardant avec intensité.

— Tu ne le sais pas encore, répondit-il, mais les gens qui naissent avec les dons de médium sont extrêmement rares et par conséquent précieux. T'avoir trouvée et pouvoir t'enseigner ce que j'ai appris est une chance inestimable. Je n'avais pas intérêt à gâcher ça.

Jane songea que sa méfiance était absurde. Pearl avait vraiment l'air d'être quelqu'un de bien. Les dures années qu'elle avait traversées lui avaient irrité les nerfs. Cela prendrait du temps, mais elle allait devoir apprendre à faire confiance.

— Merci, émit-elle. Merci...

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant