2. La Fille

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À l'aube, le vieil homme arpentait déjà la forêt dans son blouson en cuir noir, son stetson enfoncé sur le crâne. Sherlton Woods était une forêt vaste et il se guidait de sa seule mémoire, observant attentivement les lieux pour trouver son chemin en se remémorant les visions. À un moment, il se rappela qu'il devait tourner à droite, ce qu'il fit. Les bois devenaient de plus en plus denses. Les bottes de marche du vieil homme s'enfonçaient dans un épais tapis de feuilles jaunies ombragées par de grands sapins. La forêt devenait de plus en plus silencieuse. Les pépiements des oiseaux se faisaient de plus en plus rares.

Il lui fallut deux heures de marche depuis la route pour atteindre la maison de bois en ruines dissimulée au beau milieu de Sherlton Woods, qu'il vit apparaître au détour du chemin sinueux. Content de lui, le vieil homme marcha jusqu'à la porte d'un pas confiant. La porte émit un fort grincement lorsqu'il la poussa doucement en s'introduisant à l'intérieur de la maison plongée dans l'obscurité et le silence.

— Il y a quelqu'un ? lança-t-il dans le vide.

Ne recevant aucune réponse, il poursuivit son exploration des lieux. Les planches de bois constituant les murs se détachaient par endroits, formant des trous à travers lesquels on pouvait observer l'extérieur. Les meubles miteux tombaient en pièces. Une vieille lampe à pétrole traînait sur une table basse rongée par l'humidité. Un canapé déchiré était posé sur un vieux tapis très sale. La maison semblait inhabitée depuis bien longtemps. Mais le vieil homme savait que celle qu'il cherchait se trouvait là. Il n'avait qu'à attendre.

Le salon donnait sur une petite chambre avec un bureau et un lit, sur lequel reposait un sac à dos rempli qui semblait avoir été abandonné là une minute plus tôt.

Soudain, il y eut un frémissement accompagné d'un clac sonore et lorsqu'il se retourna, le vieil homme vit une silhouette surgir de l'ombre. C'était une jeune fille échevelée au visage et aux vêtements noircis par la terre, qui pointait sur lui un fusil à pompe avec des yeux luisants d'agressivité.

L'homme leva aussitôt les mains au-dessus de sa tête, les paumes bien en évidence. La jeune fille le toisait toujours avec des yeux menaçants, prête à lui exploser le visage au moindre geste.

— Du calme, dit le vieil homme d'une voix contrôlée. Du calme, petite, je ne te veux aucun mal.

Elle ne baissa pas son arme.

— Qui êtes-vous ? cracha-t-elle.

Pearl remarqua les griffures sur son visage, et les déchirures sur ses vêtements sales. Elle portait une vieille veste en jean, un débardeur noir, un pantalon marron et des bottes usées.

— Je m'appelle Joshua Pearl, répondit l'homme d'une voix grave. Je sais ce qui t'arrive. Je peux t'aider.

Elle se crispa et rapprocha son index de la gâchette, nerveuse, les muscles bandés.

— C'est lui qui vous envoie, s'écria-t-elle. Je n'abaisserai pas mon arme. Vous venez me séduire avec des mots, mais je ne suis pas naïve.

— Tu te trompes. Je ne suis pas l'un de ceux qui te veulent du mal. Tu peux me faire confian...

Comment pourriez-vous savoir ce qui m'est arrivé si vous n'êtes pas l'un d'eux ? s'écria la jeune femme avec fureur.

Pearl s'efforça de garder son calme.

— Je vois des choses que je ne devrais pas voir. Écoute-moi, Jane...

La jeune fille eut un brusque mouvement de recul.

— N'essayez pas de me manipuler. Vous êtes forcément mauvais. Personne n'aurait pu me retrouver ici.

— Tu sais que c'est faux. Tu vois aussi ces choses que tu ne devrais pas voir. Si j'étais réellement mauvais, tu l'aurais senti et tu n'aurais pas hésité une seule seconde avant de me faire sauter la tête...

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant