Dans la famille Weasley-Johnson, je voudrais le fils

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28 décembre 2017


Quand tonton Georges racontait une blague, tout le monde riait quasiment à tous les coups. Oh, ils riaient tous tellement. Mais pas Fred.

Fred fixait seulement son père, connaissant chaque chute par cœur, chaque petite pause pour le suspens. Ca ne le faisait plus rire depuis longtemps. Hugo se demandait même si ça l'avait fait rire un jour. Fred voulait du sérieux dans sa vie, il voulait qu'on accepte la gravité des choses qui pouvaient arriver, pas qu'on les camoufle derrière des farces et de l'humour facile. Il voulait que son père étudie son bulletin, chaque trimestre, et le dispute pour ses notes médiocres en Sortilège et en DCFM, qu'il lui dise de travailler davantage, qu'il s'inquiète pour son avenir. Et non qu'il lui réserve un poste à la boutique de farces et attrape, il ne voulait pas remplacer le frère jumeaux mort de son père, il ne voulait pas être sa doublure. Il ne voulait pas qu'on lui mette une perruque rousse sur la tête, qu'on lui tartine son visage métisse de peinture blanche, qu'on lui colle un nez rouge, qu'on le change en mascotte. Fred 2.0. Il ne voulait pas être drôle.

Et pourtant, il faut croire qu'il l'était. Si à la maison, c'était son père qui faisait rire et rire, à Poudlard, c'était Fred qui était la cause de bon nombre de rigolades, il était même la muse de gros comiques. Bouboule, l'appelait-on, le gros Fred, Weasmoche, les bons vieux sobriquets qui faisaient mouche à chaque fois. Si seulement Roxanne s'en était douté, elle aurait pu peut-être faire quelque chose - mais Fred ne partageait ses secrets qu'avec les deux plus petits de la famille.

Alors, Fred ne disait rien, à ces humoristes, il bougonnait juste dans sa barbe et attendait qu'ils se lassent et passent à quelqu'un d'autre, à Erinna la taupe ou à Sandix-kilos. Et dès qu'il avait quelques minutes de tranquillité, il écrivait des poèmes en prose, parce que oh, c'est les plus beaux des poèmes. Sans rimes artificiels, sans fioriture mais avec des dizaines de formules de style. Et quand il les lisait à Hugo et Molly dès qu'il revenait de Poudlard pour les vacances, que sa voix était jolie, douce - et le sentiment, au fond de sa gorge, qui vibrait, tressaillait. Il dépeignait la vie avec une telle vérité, une telle justesse, que c'en était bouleversant. Il lui arrivait même de composer des musiques pour chanter ses textes. Un jour, il aimerait les chanter à sa mère, avait-il confié à Hugo, mais il y avait tellement de lui, dans ses mots, qu'il avait peur. Peur qu'elle s'inquiète pour lui, qu'elle s'en veuille, peur qu'elle pleure. Un jour, il les lui chantera, quand tout ira mieux. Ensuite, il les chantera à son père pour qu'il comprenne, mais Fred savait bien, que ça lui brisera le coeur.

Mais, en attendant, à chaque fois que Molly révèlait au reste de la famille que Fred était un véritable artiste, ils riaient tous -Fred, notre Fred, notre grand râleur, enfin, Molly, arrête de raconter des bétises. C'était toujours tonton Georges qui riait le plus fort. Ce n'était pas méchant mais, Merlin, quelle bonne blague !

Dans la famille Weasley-Johnson, je voudrais le fils...
Celui qui ne voulait jamais rire.

Le jeu des cinq famillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant