Dans la famille Weasley-Smith, je voudrais la fille cadette

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2 octobre 2023

Molly était une grande sensible, elle pleurait pour un rien. Quand elle se coupait en ramassant les débris de l'assiette qu'elle avait faite tomber, quand elle s'était mise à bégayer devant tout le monde dans la pièce de théâtre de l'école qui rejouait la grande guerre, quand elle faisait un mauvais rêve, quand elle oubliait ses clés pour rentrer chez elle pendant les vacances, quand il pleuvait... Oh, Molly était une grande pleureuse. Elle pleurait même quand les autres étaient tristes, parce qu'elle avait ce genre de coeur si fragile, cette compassion démesurée, cette profonde naïveté qui faisait d'une brise, une tempête. Et les gens se moquaient parce que c'était ridicule, une adolescente de quatorze ans qui pleurait encore pour une égratignure, ou une prise de bec. Elle ne savait tout simplement pas contenir ses larmes.

Ah... ce que Molly pouvait pleurer...

Mais quand il arrivait une chose de grave, quand elle allait vraiment mal, Molly n'arrivait plus à pleurer. Elle suffoquait, son coeur s'emballait, prêt à lâcher à tout moment, et elle devenait presque muette, asphyxiée dans son propre corps. Les médicomages appelaient ça des crises d'angoisse. Malheureusement, avaient-ils diagnostiqué, il n'y avait rien à faire. Ils avaient donné à ses parents une recette pour une potion anti-anxiogène, et Molly voyait un spécialiste qui devait lui apprendre à gérer ses angoisses. Quand ça arrivait, elle devait fixer un point immobile dans l'espace et s'y accrocher, comme à une ancre. Et elle se forçait à compter, malgré son souffle saccadé. 1, 2, 3, 4...

Les crises d'angoisses de Molly comptaient parmi les expériences les plus éprouvantes de toute la vie d'Hugo. La première fois, il avait cru qu'elle n'arriverait jamais à respirer de nouveau et il l'avait attirée dans ses bras, l'avait engloutie dans son étreinte, ce qui n'avait fait qu'empirer la situation. Désormais, il avait l'habitude. Il attrapait ses mains et les caressait lentement, en comptant avec elle. 1, 2, 3...

Elle était si fragile, sa petite cousine, elle n'était pas faite pour ce monde, il était bien trop impitoyable. C'était un petit ange qui ne comprenait pas pourquoi on lui brisait les ailes comme ça, sans même vouloir de ses ravissantes plumes multicolores. Pourquoi Lily préférait être avec ses amies, plutôt qu'avec elle, elle qui n'avait qu'un an de moins, elle qui était sa cousine, elle qui l'avait connue depuis toujours. Pourquoi tous ces garçons ne la trouvaient pas assez jolie, pas assez intéressante. Pourquoi il faisait si froid, ici. Pourquoi ses parents ne lui attachaient pas la même importance qu'à sa grande soeur, Lucy. Pourquoi les professeurs la traitaient-ils comme si elle était idiote. Pourquoi ses copines se moquaient dés qu'elle tournait le dos -était-elle si grotesque ? n'étaient-elles pas censées être amies ? Pourquoi quand elle parlait à la grande table familiale, on ne semblait pas l'entendre. Pourquoi ne suffisait-elle à personne, ne serait-elle donc jamais assez pour quelqu'un ? Alors, elle devait toujours se mettre à compter à bout de souffle, 1, 2... et les pourquoi desserraient leurs longs doigts de son cou, les retiraient de ses poumons et elle respirait à nouveau.

Avec Hugo, ils comptaient les malheurs du monde, ces minuscules injustices par milliers qui s'empilaient pour former l'énorme montagne de détritus humaine et ils la mettaient de côté, pour un moment seulement, le temps de reprendre des forces. Ensemble, ils étaient biens. Ils trouvaient une petite prairie imaginaire, où tout était calme et reposant -pas de doute, pas de cri, pas de trahison, pas de déception, pas de compétition où elle ne pourrait jamais gagner- et oh, petit à petit, oui, elle pouvait enfin respirer. Elle poursuivait son quotidien, avec ses copines hypocrites et ses lots de consolations. Hugo lui gardait une place à sa table au cas-oú, le midi et le soir, une place dans le Poudlard Express, aussi. C'était une telle habitude que quand Hugo était malade ou occupé ailleurs, c'était Giselle, sa meilleure amie, qui se chargeait de faire une place à Molly. Il se fichait bien qu'elle soit dans l'année inférieure. Quand elle pleurait, il la consolait, même si c'était pour une broutille parce que la peine était réelle, dans ses yeux. Bien sûr, il savait bien qu'elle aurait préféré être avec Lily, que ce soit elle qui la prenne sous son aile. Mais Lily avait sa grande vie trépidante qui l'occupait bien trop, elle n'avait pas beaucoup de temps à lui consacrer, alors c'était Hugo qui était là pour Molly. Et quand elle ne supportait plus la pression, c'était lui qui l'aidait à compter. 1, Molly, respire, compte avec moi... 1...

Et malgré tout, malgré toute sa faiblesse, elle trouvait toujours la force en elle de commencer à compter, avec ou sans lui. Au fond, elle le savait et lui aussi. Ça finirait par aller mieux, un jour. Jusque-là, elle compterait. Hugo était persuadé qu'elle deviendrait une femme surprenante, c'était juste qu'elle ne le savait pas encore.

Dans la famille Weasley-Smith, je voudrais la fille cadette...

La paniquée.

Le jeu des cinq famillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant